GALYNA DRANENKO
Littérature
française du XIX° siècle. Lecture analytique
Introduction
Prosper Mérimée est né à Paris le 28 septembre 1803, et
est issu d'une famille assez aisée et cultivée. Le grand-père paternel,
François, était à la fois avocat au parlement de Rouen et intendant du maréchal
de Broglie. Les parents de l'écrivain appartiennent au milieu artistique.
Son père, Jean-François Léonor Mérimée est professeur de
dessin à l'école polytechnique. C'est un fonctionnaire modèle, un homme doux et
calme, un peu austère, amateur intelligent et peintre banal. Il est secrétaire
adjoint et ensuite secrétaire perpétuel de l'école des Beaux Arts. Mérimée a
beaucoup souffert de l'éloignement de son père.
La mère de Prosper, Anne Louise Moreau, voltairienne et
bourgeoise, lui reste intelligemment dévouée jusqu'à sa mort, puisque peu
d'enfants ont été plus choyés, plus dorlotés que le fragile Prosper. C'est sa
mère qui lui a transmis le goût des arts et le don de conter. Mérimée est un
enfant de bourgeois, un enfant gâté. Il est égoïste et orgueilleux. Il est
enfant unique, ce qui renforce sa solitude. Il est fier et exigeant envers tout
le monde. Il a une âme sensible mais citadine car il passe son enfance à Paris.
Il possède beaucoup de bon sens, il est intelligent et curieux mais il est
effronté et pessimiste, plus il grandit plus il se dévergonde, mais il reste
malgré tout très timide.
Enfant, Mérimée voulait faire du dessin, mais son père
l'en dissuada pour l'orienter vers des études de droit. Néanmoins, il garde
cette passion et dessine pour le plaisir. Il entre donc en 1811 dans la section
langues anciennes au lycée Napoléon, où son père enseigne le dessin. Il est
externe, car sa famille habite près de l'école. Sa mère suit ses études de près
tant que son niveau le lui permet, ce qui vaut à Mérimée de recevoir un second
prix de thème et un accessit de version. Sa mère est très fière de lui. Il se
distingue ainsi jusqu'à la quatrième, puis, sa mère ne pouvant plus l'aider,
ses résultats baissent car Mérimée n'est pas appliqué dans son travail.
Cependant il a du goût pour les langues : c'est un bon latiniste, un très bon
helléniste et un philologue hors pair, il étudie aussi l'italien.
En 1819, poussé par son père, il s'inscrit à la faculté
de droit. Il prépare sa licence et pour chaque épreuve reçoit trois ou quatre
"boules rouges", ce qui lui fait une honorable moyenne. En même temps
qu'il va à la faculté, il suit quelques cours au collège de France, et étudie
notamment la linguistique, l'épigraphie et la numismatique. Avec sa licence, il
devient avocat au cabinet du conte d'Argout, puis il est reçu au ministère du
Commerce. Mérimée n'a donc jamais eu la vocation d'écrire bien qu'il en ait le
besoin.
Par la suite il fait des voyages d'études en France et
dans les pays étrangers pour son travail d'Inspecteur des monuments
historiques. Puis Mérimée étudie le russe, ce qui lui permet d'introduire en
France la littérature russe, notamment celle de Pouchkine, Tourgeniev et Gogol.
Mérimée est aussi un disciple d'Helvetius, dont la philosophie matérialiste,
sensualiste et athée, ressort dans certaines de ses œuvres.
En 1822 il écrit sa première tragédie, Cromwell. Cette œuvre a du succès pour
trois raisons : la précocité de l'auteur, l'originalité du sujet et la façon de
l'écrire. Ce texte met en scène des marionnettes dialoguant entre elles et avec
le public sur la vie en Angleterre au XVII siècle.
Ensuite il écrit des mystifications littéraires. Il
publie tout d'abord des pièces qu'il attribue à une femme de lettres espagnole
imaginaire, Clara Gazul. Ces pièces, Le
Théâtre de Clara Gazul publiée en 1825 puis La Guzla publiée en 1827, se sont peu vendues mais ont un succès
retentissant. Ce succès permet à Mérimée de fréquenter le salon de Mme Récamier
où se réunissent les opposants de Bonaparte et la brillante société. La Guzla regroupe vingt huit ballades
illyriques. Le théâtre de Clara Gazul
est un ensemble de courtes pièces. Les mystifications, quatre œuvres, qui lui
permettent de passer outre la censure, lui sont inspirées par son ami Stendhal,
qu'il rencontre au retour d'un voyage en Italie en 1822. Ces premières œuvres
sont donc des courtes pièces, des ballades, intelligentes et insolentes,
parfois humoristiques, parfois dramatiques. Elles ont tant de succès qu'elles
sont traduites en allemand et quelques-unes en russe.
En 1840, Mérimée publie une relation de son voyage en Corse,
où il a noté et traduit certains chants corses, qui d'après lui sont typiques
du pays et de ses habitants. C'est la période d'une production littéraire
intense. Tout d'abord la Chronique du
temps de Charles IX (roman historique) puis une série de nouvelles (Mateo Falcone, Vision de Charles IX,
Tamango, Federigo, L'Enlévement de la Redoute) qui lui permettent d'asseoir
sa réputation. Ce sera ensuite La Vénus
d'Ille (1837), Colomba (1840) et Carmen
(1845) – 3 récits où Mérimée qui fait preuve à la fois de concision et de
pittoresque, donne à la Nouvelle ses lettres de Noblesse.
Prosper Mérimée est pessimiste, il croit que les hommes
sont mauvais. « Ce plaisantin
jouisseur, qui ne faisait pas grand cas de la littérature, a tout de même
trouvé le temps d'écrire quelques chefs-d'oeuvres » dit Philippe D'Ormesson
en parlant de Mérimée. Par le choix de ses sujets, qui sont souvent modernes,
par un mélange constant du tragique et du comique, par le goût du fantastique,
et par son amour des terres du Sud, Mérimée appartient à son temps et au
romantisme. Il aime la passion, les ruptures, tout ce qui s'insurge et
bouillonne. L'émotion, chez lui, est toujours tenue en lisière par l'ironie, la
brièveté et le savoir. Prosper Mérimée écrit comme on parle, voire comme on
écrit une lettre (il décrit très peu et l'anecdote emporte tout). Ce sont de
ces détails rapides et bien choisis d'où jaillit ce qui est son fort et son but
: LA VIE.
Le style de Mérimée est à l'image d'un vêtement élégant
sur un homme qui sait vivre, et pour bien montrer que la littérature est un jeu
dans un autre jeu qui est la vie, il ne termine pas ses nouvelles. Il aime ces
formules simples qui renvoient à autre chose qui n'a pas besoin d'être dit. La
marque de Mérimée est ce freinage permanent de la passion et de l'émotion.
« Carmen »
Cette nouvelle de Prosper Mérimée est publiée le 1er
octobre 1845 à Paris dans la Revue des
deux mondes. Lorsqu'il publie Carmen,
Mérimée s'est déjà rendu deux fois en Espagne. Tout d'abord en 1830, c'est lors
de ce voyage qu'il fait la connaissance d'Eugénie de Montijola, la future
épouse de l'empereur Napoléon III. Il s'y rend une seconde fois en 1840. Il ne
visite alors que Madrid et le nord de l'Espagne. Sa recherche bibliographique
et ses souvenirs de voyage nourriront ce court récit qui symbolise la passion
destructrice.
Résumé de « Carmen »
Au cours d'un voyage en Espagne, le narrateur,
archéologue, rencontre, au bord d'une source, un brigand, José Navarro. Il
protège sa fuite et lui évite d'être arrêté. La semaine suivante, à Cordoue,
le narrateur fait la connaissance de Carmen, une jolie gitane. Cette fois,
c'est José Navarro qui le sauve du guet-apens dans lequel Carmen voulait le
faire tomber. Quelques mois plus tard, le narrateur rend visite à José, la
veille de son exécution. Le bandit lui raconte son histoire : brigadier des
dragons, il est devenu déserteur, meurtrier, contrebandier et voleur par amour
pour Carmen. Puis délaissé par la belle gitane, il l'a tuée.
Extrait de la nouvelle « CARMEN »
Séquence narrative 1
Un soir, à
l'heure où l'on ne voit plus rien, je fumais appuyé sur le parapet du quai,
lorsqu'une femme, remontant l'escalier qui conduit à la rivière, vint s'asseoir
près de moi. Elle avait dans les cheveux un gros bouquet de jasmin, dont les
pétales exhalent le soir une odeur enivrante. Elle était simplement,
peut-être pauvrement vêtue, tout en noir, comme la plupart des grisettes dans
la soirée. Les femmes comme il faut ne portent le noir que le matin; le soir,
elles s'habillent à la francesa. En arrivant auprès de moi, ma baigneuse laissa
glisser sur ses épaules la mantille qui lui couvrait la tête, et, à l'obscure
clarté qui tombe des étoiles, je vis qu'elle était petite; jeune, bien
faite, et qu'elle avait de très grands yeux. Je jetai mon cigare aussitôt. Elle
comprit cette attention d'une politesse toute française, et se
hâta de me dire qu'elle aimait beaucoup l'odeur du tabac, et que même
elle fumait, quand elle trouvait des papelitos bien doux. Par bonheur, j'en avais
de tels dans mon étui, et je m'empressai de lui en offrir. Elle daigna
en prendre un, et l'alluma à un bout de corde enflammée qu'un enfant nous
apporta moyennant un sou. Mêlant nos fumées, nous causâmes si
longtemps, la belle baigneuse et moi, que nous nous trouvâmes presque seuls sur
le quai. Je crus n'être point indiscret en lui offrant d'aller prendre
des glaces à la neveria. Après une hésitation modeste elle accepta;
mais avant de se décider, elle désira savoir quelle heure il était. Je fis
sonner ma montre, et cette sonnerie parut l'étonner beaucoup.
– Quelles inventions
on a chez vous, messieurs les étrangers ! De quel pays êtes-vous, monsieur?
Anglais sans doute?
– Français et
votre grand serviteur. Et vous, mademoiselle, ou madame, vous êtes probablement
de Cordoue?
– Non.
– Vous êtes
du moins Andalouse. Il me semble le reconnaître à votre doux parler.
– Si vous
remarquez si bien l'accent du monde, vous devez, bien deviner qui je suis.
– Je crois
que vous êtes du pays de Jésus, à deux pas du paradis. (J'avais appris cette
métaphore, qui désigne l'Andalousie, de mon ami Francisco Sevilla, picador bien
connu.)
– Bah ! le
paradis... les gens d'ici disent qu'il n'est pas fait pour nous.
– Alors, vous
seriez donc Mauresque, ou... Je m'arrêtai, n'osant dire : Juive.
– Allons,
allons ! vous voyez bien que je suis bohémienne; voulez-vous que je vous dise
la baji? Avez-vous entendu parler de la Carmencita? C'est moi.
J'étais alors un tel mécréant, il y a de cela quinze ans,
que je ne reculai pas d'horreur en me voyant à côté d'une sorcière. "Bon !
me dis-je; la semaine passée, j'ai soupé avec un voleur de grand chemin, allons
aujourd'hui prendre des glaces avec une servante du diable. En voyage il faut
tout voir." J'avais encore un autre motif pour cultiver sa connaissance.
Sortant du collège, je l'avouerai à ma honte, j'avais perdu quelque temps à
étudier les sciences occultes et même plusieurs fois j'avais tenté de conjurer
l'esprit de ténèbres. Guéri depuis longtemps de la passion de semblables
recherches, je n'en conservais pas moins un certain attrait de curiosité pour
toutes les superstitions, et me faisais une fête d'apprendre jusqu'où s'était
élevé l'art de la magie parmi les bohémiens.
Fiche de vocabulaire 1
Mot
|
2
Explications,
exemples d’emploi
|
3
Synonymes
|
4
Antonymes
|
5
En
ukrainien
|
enivrant
|
1.
Vieilli Qui provoque l'ivresse;
2. Fig. Qui provoque l'exaltation des
sens, des sentiments.
Des parfums enivrants.
|
capiteux;
excitant, grisant, troublant
|
п'янкий, чарівний
|
|
exhaler [εgzale]
|
Dégager de soi et répandre au
dehors (une chose volatile, odeur, vapeur, gaz). Exhaler des effluves, un arôme, une odeur (agréable,
désagréable).
|
sentir (bon,
mauvais); embaumer, empester.
|
aspirer
|
видихати, виділяти, виливати,
пахнути
|
clarté (f)
|
Concret Lumière qui rend les objets visibles d'une façon nette et distin. « Cette obscure clarté qui tombe des
étoiles » (P. Corneille)
|
lueur
|
obscurité
|
світло, ясність, прозорість
|
obscur
|
1.Qui est privé (momentanément ou
habituellement) de lumière. « Nuit
sans étoiles, nuit obscure! » (Baudelaire).
2.Qui est foncé, peu lumineux.
|
enténébré, noir, sombre
|
clair, éblouissant, éclatant,
lumineux
|
темний, затемнений, неясний
|
politesse
(f)
|
Ensemble des
usages, des règles qui régissent le comportement, le langage, considérés
comme les meilleurs dans une société. Il
aurait pu avoir la politesse de nous remercier.
|
bienséance, civilité, courtoisie,
éducation, savoir-vivre, urbanité, usage
|
ввічливість, чемність, знак уваги
|
|
se hâter
|
Mod. Aller vite, faire vite; ne pas perdre son temps.
Se hâter de (et inf.). Se hâter de sortir, de
terminer un travail.
« Il ne faut point se hâter de juger les
caractères » (Alain).
|
se dépêcher, s'empresser
|
tarder, temporiser, traîner
|
квапитися, поспішати
|
par bonheur
|
Par chance.
Par bonheur, il était encore là
|
heureuse-ment
|
на щастя
|
|
étui (m)
|
Étui de carton, de cuir, d'ivoire; en
plastique.Étui à violon. Étui à lunettes, à jumelles. Étui à cigares, à
cigarettes. Étui de parapluie.
|
футляр, чохол
|
||
s’empresser de
|
Se hâter.
Il s'est empressé d'avertir tout le monde.
|
se dépêcher
|
постаратися, поспішати
|
|
daigner f.
qch
|
1.Consentir à
(faire qch.) soit en faveur d'une personne qui n'en paraît pas indigne, soit
parce qu'on ne juge pas cette chose indigne de soi.
Elle a daigné venir.
2. Iron.
Vouloir bien. Daignerais-tu me passer
ce livre?
|
condescendre (à)
|
зволити
|
|
moyennant
|
Au moyen de,
par le moyen de, à la condition de.
Acquérir une chose moyennant un prix convenu. Il
accepta de rendre ce service moyennant récompense.
|
au prix de,
contre, en échange de
|
за
|
|
croire + l'inf.
|
Sentir,
éprouver comme vrai (ce qui ne l'est pas absolument). « nous croyons être acteurs, nous ne sommes jamais que
spectateurs » (Maurois).
On croit rêver.
|
estimer,
juger, penser
|
гадати, вважати, думати
|
|
offrir de
|
Offrir à qqn de l'héberger.
|
proposer
|
запросити
|
|
hésitation
(f)
|
Arrêt dans
l'action; attitude qui trahit de l'indécision, de l'embarras. Avoir une minute, un moment d'hésitation.
Marquer une hésitation avant de répondre.
|
assurance,
détermination, résolution
|
вагання
|
|
parler (m)
|
Ensemble des
moyens d'expression employés par un groupe à l'intérieur d'un domaine
linguistique. Les parlers régionaux.
|
dialecte, idiome, langue, patois
|
говір
|
mécréant
|
Qui n'a aucune religion.
|
impie,
incrédule, incroyant
|
безвірник
|
Compréhension de la séquence 1.
1. Lisez et traduisez la séquence 1.
2. Point de vue : qui raconte
l’histoire ?
3. Repérez les personnages (combien ?)
et leurs actions (qui fait
quoi ?).
4. Séparez les parties de la séquence : récit (l’histoire des événements) – dialogue (une personne s'adresse à une autre personne qui lui
répond) – discours (commentaire des
événements).
5. Résumez l’histoire de la séquence 1. en une
phrase.
6. Donnez le titre à la séquence
1.
7. Repérez les indicateurs du temps.
Par exemple : l. 1[1]
un soir ; l.1 à l’heure où l’on ne voit plus rien ; l.4 le
soir ; etc.
Comment le
temps de la rencontre influence la perception de cette femme par le
narrateur ? Quel rapport a cette partie de la journée avec le
« métier » de cette femme ?
8. Cherchez les mots qui désignent les lieux.
Comment se comportent les personnages par rapport aux lieux où ils se trouvent
(mobile/immobile ; haut/bas ; etc.)
9. Cherchez comment est nommée
la femme. Par exemple ; l.2 une
femme ; l.3,5 elle ; l.8 ma baigneuse ; etc. Comment
l’attitude du narrateur envers elle change au fil de la séquence ?
10. Portrait de Carmen –
première impression.
Dans quelle progression est peint le portrait physique de cette femme, par
quoi est-il commencé (vêtements, silhouette, visage etc.) ?
Quel est le rôle des sens (odorat, vue, etc.) dans la description de Carmen ?
Faites la liste des caractéristiques de ce personnage. Par exemple :
· active (l.3 vint s’asseoir près de moi ; l.12 se
hâta de me dire … ) ;
· pauvre (l.5 était simplement, peut-être pauvrement
vêtue ; l.6 grisette )...
Séquence narrative 2.
Tout en
causant, nous étions entrés dans la neveria, et nous nous étions assis à une
petite table éclairée par une bougie enfermée dans un globe de verre. J'eus
alors tout le loisir d'examiner ma gitana, pendant que quelques honnêtes
gens s'ébahissaient, en prenant leurs glaces, de me voir en si bonne
compagnie.
Je doute fort
que mademoiselle Carmen fût de race pure, du moins elle était infiniment plus
jolie que toutes les femmes de sa nation que j'aie jamais rencontrées. Pour
qu'une femme soit belle, disent les Espagnols, il faut qu'elle réunisse trente
si, ou, si l'on veut, qu'on puisse la définir au moyen de dix adjectifs
applicables chacun à trois parties de sa personne. Par exemple, avoir trois
choses noires : les yeux, les paupières et les sourcils; trois fines, les
doigts, les lèvres, les cheveux, etc. Voyez Brantôme pour le reste. Ma
bohémienne ne pouvait prétendre à tant de perfection. Sa peau, d'ailleurs
parfaitement unie, approchait fort de la teinte du cuivre. Ses yeux étaient obliques,
mais admirablement fendus; ses lèvres un peu fortes, mais bien dessinées et
laissant voir des dents plus blanches que des amandes sans leur peau. Ses cheveux,
peut-être un peu gros, étaient noirs, à reflets bleus comme l'aile d'un
corbeau, longs et luisants. Pour ne pas vous fatiguer d'une description trop prolixe,
je vous dirai en somme qu'à chaque défaut elle réunissait une qualité qui
ressortait peut-être plus fortement par le contraste. C'était une beauté étrange
et sauvage,
une figure qui étonnait d'abord, mais qu'on ne pouvait oublier. Ses yeux
surtout avaient une expression à la fois voluptueuse et farouche que je n'ai
trouvée depuis à aucun regard humain. Œil de bohémien, œil de loup, c'est un
dicton espagnol qui dénote une bonne observation. Si vous n'avez pas le temps
d'aller au jardin des Plantes pour étudier le regard d'un loup, considérez
votre chat quand il guette un moineau.
On sent qu'il
eût été ridicule de se faire tirer la bonne aventure dans un café.
Aussi je priai la jolie sorcière de me permettre de l'accompagner à son
domicile; elle y consentit sans difficulté, mais elle voulut connaître encore
la marche du temps, et me pria de nouveau de faire sonner ma montre.
– Est-elle vraiment d'or? dit-elle en la considérant avec
une excessive attention.
Fiche de vocabulaire 2
1
|
2
|
3
|
4
|
5
|
loisir (m)
|
1.Vx
État dans lequel il est loisible, permis à qqn de faire ou de ne pas faire
qqch
2.Mod.
Loc. adv. À LOISIR; TOUT À LOISIR : en prenant tout son temps, à son aise.
3.Temps dont
on dispose pour faire commodément qqch. Vous
aurez tout le loisir d'y réfléchir après mon départ.
|
liberté, permission, possibilité
|
змога
без перешкоди
|
|
honnête
|
Qui se
conforme aux bienséances, ou à certaines normes raisonnables
1.Vx HONNÊTE
HOMME : homme du monde, agréable et
distingué par les manières comme par l'esprit, les connaissances.
2.Vx Qui
fait preuve de politesse, de savoir-vivre.
|
civil, poli
|
impoli, malséant, mauvais.
|
пристойний,
порядний
культурний
чемний
|
ébahir
|
Frapper d'un grand étonnement. Voilà une nouvelle qui m'ébahit.
Pronom. S'étonner au plus haut point.
|
stupéfier
|
приголомшити
остовпіти
|
|
la teinte du
cuivre
|
Qui a la couleur rougeâtre.
Les Indiens d'Amérique ont la peau
cuivrée.
|
roux,
bronzé
|
побронзовілий колір шкіри
|
|
oblique
|
Qui s'écarte
de la verticale, de la perpendiculaire (à une ligne, un plan donnés ou
supposés).
Regard oblique, de qqn
qui ne regarde pas droit, en face.
|
biais
|
косий
криводушний, скритний
|
|
fendu
|
Ouvert en longueur, comme une fente.
Bouche fendue jusqu'aux
oreilles. Yeux fendus en amande.
|
рот по самі вуха,
розріз очей
|
||
fort
|
Considérable
par les dimensions.
Mains fortes. Nez fort.
|
gros, grand,
important
|
mince,
fin
|
|
étrange
|
Très
différent de ce qu'on a l'habitude de voir, d'apprendre; qui étonne,
surprend.
|
bizarre, extraordinaire,
singulier, surprenant
|
banal, commun, courant,
ordinaire
|
дивний, чудернацький
|
prolixe
|
Qui est trop long, qui a tendance а délayer dans ses écrits ou
ses discours. Orateur, écrivain prolixe. « Les plus prolixes sont
ceux qui ont le moins à dire » ( André Gide).
Abondant, copieux. Discours, style prolixe.
|
bavard, diffus, verbeux
|
concis, court, laconique, cursif
|
|
sauvage
|
Qui a qch
d'inhumain, marque un retour aux instincts primitifs. « Son air sauvage et brutal. »
|
barbare, bestial, cruel, féroce
|
дикий, відлюдний
|
|
voluptueux
|
1.Qui est
porté aux plaisirs de l'amour et à leurs raffinements.
2.Qui fait
éprouver du plaisir.
3. Qui
exprime ou inspire la volupté, les plaisirs amoureux. Attitude, danse voluptueuse.
|
lascif, sensuel agréable, doux
excitant
|
ascétique, chaste
|
любострасний
|
farouche
|
Qui a qqch.
d'absolu et de violent, de peu civilisé (caractère, comportement).
Un
air, un regard farouche.
|
sauvage
|
accueillant, doux, familier,
sociable
|
суворий, відлюдний, полохливий
|
dénoter
|
Indiquer, désigner par quelque
caractéristique. Son attitude dénote un certain courage.
|
annoncer, marquer, montrer, signifier,
supposer
|
означати
|
|
guetter
|
Observer pour
surprendre. Le chat guette la souris.
|
épier
|
підстерігати, висліджувати
|
|
aventure
(f)
|
1.Vx Ce qui doit arriver à qqn.
2.Mod. BONNE AVENTURE. Dire la bonne
aventure à qqn : lui prédire son avenir par la divination. Diseur, diseuse de bonne aventure.
|
avenir, destin, destinée, sort
|
ворожити
|
|
tirer
|
Choisir parmi d'autres, dans un jeu de hasard. Tirer une carte, un numéro de loterie. Tirer le bon, le mauvais
numéro.
Tirer les cartes : dire la bonne aventure, prédire l'avenir à l'aide des cartes, des
tarots. Se faire tirer les cartes.
|
витягнути
ворожити на картах
|
Compréhension de la séquence 2.
1. Lisez et traduisez la séquence 2.
2. Pourquoi à la neveria le narrateur a eu « tout le loisir d’examiner »
la gitana ?
3. Quelles qualités doit posséder une femme parfaitement belle d’après les
Espagnols ?
4. Portrait de Carmen. Remplissez la
grille en faisant attention au contraste
de son apparence :
partie
|
couleur
|
forme
|
aspect
|
trait de la
|
la peau
|
parfaitement
unie
|
beauté
|
||
la teinte
du cuivre
|
disgrâce
|
|||
les yeux
|
admirablement
fendus
|
beauté
|
||
obliques
|
disgrâce
|
|||
les lèvres
|
beauté
|
|||
disgrâce
|
||||
les dents
|
beauté
|
|||
disgrâce
|
||||
les cheveux
|
beauté
|
|||
disgrâce
|
5. Repérez
les mots et les expressions caractérisant l’expression de ses yeux.
6. D’après
quelles analogies sont faites les comparaisons avec des animaux ?
7. Repérez
les mots et les expressions nommant Carmen dans cette séquence. Lesquels parmi eux prédominent ?
Séquence narrative 3.
Quand nous
nous remîmes en marche, il était nuit close; la plupart des boutiques
étaient fermées et les rues presque désertes. Nous passâmes le pont du
Guadalquivir, et à l'extrémité du faubourg, nous nous arrêtâmes devant une
maison qui n'avait nullement l'apparence d'un palais. Un enfant
nous ouvrit. La bohémienne lui dit quelques mots dans une langue à moi
inconnue, que je sus depuis être la rommani ou chipe calli, l'idiome des
gitanos. Aussitôt l'enfant disparut, nous laissant dans une
chambre assez vaste, meublée d'une petite table, de deux tabourets et d'un
coffre. Je ne dois point oublier une jarre d'eau, un tas d'oranges et une botte
d'oignons.
Dès que nous fûmes seuls, la
bohémienne tira de son coffre des cartes qui paraissaient avoir beaucoup servi,
un aimant, un caméléon desséché, et quelques autres objets nécessaires à son
art. Puis elle me dit de faire la croix dans ma main gauche avec une pièce de
monnaie, et les cérémonies magiques commencèrent. Il est inutile de vous rapporter
ses prédictions, et, quant à sa manière d'opérer, il était évident qu'elle
n'était pas sorcière à demi.
Fiche de vocabulaire 3
1
|
2
|
3
|
4
|
5
|
clos
|
À (la) nuit close : quand la nuit est complètement tombée.
|
глибока ніч
|
||
apparence de
|
Trace, vestige.
Ils n'ont plus aucune apparence de liberté. Une légère apparence.
|
semblant,
soupçon
|
видимість, натяк
|
|
disparaître
|
S'en aller.
Elle a disparu sans laisser de traces.
|
fuir, partir, se retirer
|
зникнути, втікти
|
|
rapporter
|
Venir dire,
répéter (ce qu'on a appris, entendu).
« Le récit que je rapporte ici mot pour
mot » (A.France).
|
conter, relater
|
переповідати
|
Compréhension
de la séquence 3.
1. Lisez et traduisez la séquence 3.
2. Repérez
les indicateurs des lieux.
3. Énumérez
les objets se trouvant dans la
chambre.
4. Pourquoi
le narrateur fait-il la conclusion que Carmen était une vraie sorcière ?
5. Pourquoi
conduit-elle donc le narrateur chez elle ? Quel est son but ?
Séquence narrative 4.
Malheureusement
nous fûmes bientôt dérangés. La porte s'ouvrit tout à coup avec violence, et un
homme enveloppé jusqu'aux yeux dans un manteau brun, entra dans la chambre en apostrophant
la bohémienne d'une façon peu gracieuse. Je n'entendais pas ce
qu'il disait, mais le ton de sa voix indiquait qu'il était de fort mauvaise
humeur. A sa vue, la gitane ne montra ni surprise ni colère,
mais elle accourut à sa rencontre et, avec une volubilité extraordinaire
lui adressa quelques phrases dans la langue mystérieuse dont elle s'était déjà
servie devant moi. Le mot payllo, souvent répété, était le seul mot que je
comprisse. Je savais que les bohémiens désignent ainsi tout homme étranger à
leur race. Supposant qu'il s'agissait de moi, je m'attendais à une explication
délicate; déjà j'avais la main sur le pied d'un des tabourets, et je
syllogisais à part moi pour deviner le moment précis où il conviendrait de le
jeter à la tête de l'intrus. Celui-ci repoussa rudement la bohémienne,
et s'avança vers moi; puis reculant d'un pas :
– Ah ! monsieur,
dit-il, c'est vous !
Je le
regardai à mon tour, et reconnus mon ami don José. En ce moment, je regrettais
un peu de ne pas l'avoir laissé pendre.
– Eh ! c'est
vous, mon brave, m'écriai-je en riant le moins jaune que je pus; vous
avez interrompu mademoiselle au moment où elle m'annonçait des choses bien
intéressantes.
– Toujours la
même ! Ça finira, dit-il, entre ses dents, attachant sur elle un regard
farouche.
Cependant la
bohémienne continuait à lui parler dans sa langue. Elle s'animait par
degrés. Son œil s'injectait de sang et devenait
terrible, ses traits se contractaient, elle frappait du
pied. Il me sembla qu'elle le pressait vivement de faire quelque chose à quoi
il montrait de l'hésitation. Ce que c'était, je croyais ne le comprendre que
trop à la voir passer et repasser rapidement sa petite main sous son menton. J'étais
tenté de croire qu'il s'agissait d'une gorge à couper, et j'avais
quelques soupçons que cette gorge ne fût la mienne.
A tout ce
torrent d'éloquence, don José ne répondit que par deux ou trois mots
prononcés d'un ton bref. Alors la bohémienne lui lança un regard de profond
mépris; puis s'asseyant à la turque dans un coin de la chambre, elle choisit
une orange, la pela et se mit à la manger.
Don José me
prit le bras, ouvrit la porte et me conduisit dans la rue. Nous fîmes environ
deux cents pas dans le plus profond silence. Puis, étendant la main :
– Toujours
tout droit, dit-il, et vous trouverez le pont.
Aussitôt il me tourna le dos et
s'éloigna rapidement. Je revins à mon auberge un peu penaud et d'assez
mauvaise humeur. Le pire fut qu'en me déshabillant, je m'aperçus que ma montre
me manquait.
Fiche de vocabulaire 4
1
|
2
|
3
|
4
|
5
|
apostropher
|
Adresser
brusquement la parole à (qqn) de loin et fort, sans politesse.
|
різко заговорити з
|
||
gracieux
|
Qui est
aimable et souriant.
|
aimable,
avenant, poli
|
abrupt, impoli
|
ласкавий, прихильний
|
à la vue de qn.
|
En le voyant « Je le vis, je
rougis, je pâlis à sa vue » (Racine)
|
бачачи когось
|
||
montrer
|
Laisser
paraître; révéler par l'attitude, le comportement. Montrer son étonnement, son émotion.
|
exprimer, extérioriser,
manifester, témoigner
|
cacher,
couvrir, dissimuler
|
виявляти, проявляти
|
surprise
(f)
|
Cour. État d'une personne surprise, émotion provoquée par qqch. d'inattendu.
|
étonnement; ébahissement,
stupéfaction stupeur
|
подив, здивування
|
|
colère (f)
|
Violent
mécontentement accompagné d'agressivité.
|
emportement, exaspération,
fureur, furie, irritation, rage; fam. rogne.
|
гнів
|
|
volubilité
(f)
|
Abondance,
rapidité et facilité de parole.
Elle « parlait sans s'arrêter avec une telle
volubilité qu'elle n'avait pas le temps de respirer »
|
loquacité
|
балакучість
|
|
intrus (m)
|
Personne qui
s'introduit quelque part sans y être invitée, ni désirée. Sa belle-famille la considère comme une intruse.
|
importun, indésirable
|
влазень, сторонній, чужий
|
|
rudement
|
De façon
brutale.
Frapper, heurter rudement.
|
brutalement durement
|
суворо, жорстоко
|
|
rire jaune
|
Rire d'un rire forcé, qui dissimule
mal le dépit ou la gêne.
Il souriait un peu jaune.
|
вимушено сміятися
|
||
par degré ou par degrés
|
Par échelons,
par étapes, par paliers.
S'avancer par degrés vers un but.
|
graduellement, progressivement,
successivement
|
поступово
|
|
se
contracter
|
Son visage se contracte.
|
se durcir
|
se détendre
|
перекоситися
|
s’injecter
|
Son œil s'injecte de sang, se colore
par l'afflux de sang.
|
наливатися кров'ю
|
||
être tenté
|
Avoir envie
de, tendance à.
Être tenté de croire, de penser...
|
дуже хочеться
|
||
éloquence
(f)
|
Don de la parole, facilité pour
bien s'exprimer.
« Il me fallait toute mon éloquence pour la décider. »
|
abondance, loquacité, verve,
volubilité
|
красномовність
|
|
penaud
|
Honteux à la
suite d'une maladresse; interdit à la suite d'une déception.
Demeurer, se sentir penaud, tout penaud.
|
confus, contrit, déconfit, embarrassé,
honteux.
|
fier
|
розгублений
спантеличений
засоромлений
збентежений
|
Compréhension
de la séquence 4.
1. Lisez et traduisez la séquence 4.
2. Remplissez
la grille en repérant les mots et les expressions marquant les réactions et comportements de trois personnages :
don José
|
Carmen
|
narrateur
|
|
le mécontentement
|
l.1 Malheureusement
nous fûmes bientôt dérangés.
|
||
la colère
|
l.3 en
apostrophant
|
||
la peur
|
|||
la violence
|
|||
l'indifférence
|
|||
la défense
|
|||
l’attente
|
|||
le regret
|
|||
la détermination
|
|||
autre
...
|
3. Expliquez les raisons
de ces comportements.
4. Carmen a-t-elle pu atteindre son
but ?
5. Le narrateur regrette-t-il l’aventure
acceptée ?
Exercices de
lexique
1. Remplacez les mots en
italique par des synonymes
contextuels :
1. Je crus
n'être point indiscret en lui offrant
d'aller prendre des glaces à la
neveria.
2. Après une hésitation modeste elle accepta.
3. J'eus alors tout
le loisir d'examiner ma gitana
pendant que quelques honnêtes gens s'ébahissaient
de me voir en si bonne compagnie.
4. Quand nous nous remîmes en marche, il était nuit close.
5. Nous nous arrêtâmes devant une maison qui n'avait nullement l'apparence d'un palais.
6. Aussitôt l'enfant disparut nous laissant dans une chambre assez vaste, meublée d'une petite table et de deux tabourets.
7. Il est inutile de vous rapporter ses prédictions.
8. Un homme entra dans la chambre en apostrophant la bohémienne d'une façon peu gracieuse.
9. A sa vue, la gitana ne montra ni surprise, ni colère.
10. Son œil devenait terrible, ses traits se contractaient.
11. Je revins
à mon auberge un peu penaud.
2. Traduisez en français en
employant des adjectifs du texte :
П’янкий аромат, темна ніч, порядний чоловік, косий погляд, дивна подорож, любострасний танець, глибока ніч, відлюдне обличчя, прихильна посмішка, спантеличений вигляд.
3. Traduisez les substantifs en
français et employez-les avec des adjectifs :
Cвітло, знак уваги, футляр, вагання, говір, натяк, подив, гнів, балакучість, красномовність.
4. Formez des adjectifs :
Volubilité f ; colère f ; observation f ;
invention f ; dos m ; explication f ; mépris m; odeur f ; glace f.
5. Dites en d’autres mots :
daigner faire
qch ; dire la bonne aventure ; s'empresser de faire qch; il était nuit close;
parler avec volubilité; être de mauvaise humeur; être tenté de faire qch ;
consentir à faire qch; avoir des yeux bien fendus ; mener une vie orageuse.
6. Mener ou conduire ? Consultez
la grille et dites en français :
вести за руку, водити автомобіль, вести справи, керувати автомобілем, проводити засідання, керувати гуртком, проводити заняття, проводити боротьбу, проводити пропаганду, проводити переговори, листуватися, вести протокол, вести записи, проводити розкопки, провадити спокійний (бурхливий) спосіб життя, дорога веде до лісу, до чого це веде, це ні до чого не призведе.
Mener
|
Conduire
|
¨
Conduire en accompagnant.
« nous allons mener les enfants à
l'exposition »
¨
Diriger, commander.
¨
Faire marcher, faire
fonctionner. Mener la barque.
¨
Guider vers tel lieu. Ses empreintes nous ont menés jusqu'à lui.
¨
Faire avancer, faire
évoluer sous sa direction. Mener deux
affaires de front. L'inspecteur mène l'enquête. Mener une négociation.
¨
Mener la vie orageuse: tumultueuse,
agitée, mouvementée.
|
¨
Mener (qqn) quelque part.
Conduire qqn chez le médecin. Conduire
un enfant à l'école. Conduire qqn en prison. Conduisez-moi jusqu'à lui.
¨
Conduire ses invités
jusqu'à la porte.
¨
Diriger. Conduire les pas de qqn.
¨
Conduire la main d'un enfant.
Mener (qn, qch.) quelque part en voiture. Taxi, conduisez-moi à l'Opéra.
¨
Diriger (un animal). Conduire un troupeau, une caravane.
¨
Diriger (un véhicule). Conduire une voiture, un autobus, un
tracteur.
¨
Faire aller quelque part.
Ce bus vous conduira à la gare. Cette
route (vous) conduit à la ville.
¨
Faire agir, mener en
étant à la tête. Conduire une armée,
une flotte.
¨
Conduire une entreprise, une affaire.
¨
Conduire une intrigue, un complot.
¨
Conduire un orchestre, une danse, en
diriger le mouvement.
¨
Amener (qqn) à être dans
telle situation. (Sujet personne) Son
entraîneur l'a conduit à la victoire. Il l'a conduite au désespoir. Une
politique qui nous a conduits à l'échec. Où tout cela nous conduit-il?
¨
Mener, faire progresser (qch.).
Conduire un récit, une intrigue, un
raisonnement.
|
7. Cherchez dans la liste les significations
du mot « délicat » et
remplissez la grille:
Traductions : ніжний, делікатний, тонкий, смачний, ласий, слабий,
тендітний, витончений, вишуканий, складний, сумнівний, сприйнятливий, вразливий, перебірливий, вередливий, примхливий.
Synonymes : fin, raffiné,
exigeant, difficile, recherché, élégant, gracieux, joli, mignon, léger,
dangereux, périlleux, scabreux, fragile, sensible, difficile, embarrassant,
épineux, malaisé, probe, scrupuleux, complexe, compliqué, subtil, délié,
pénétrant, sensible, subtil.
Antonymes : grossier, robuste, facile,
simple, balourd, épais, indélicat, vulgaire.
Exemples d’emploi
|
Traductions
|
Synonymes
|
Antonymes
|
Parfum délicat
|
тонкий
|
fin, raffiné
|
---
|
Couleur, teinte délicate.
|
|||
Nourriture, cuisine délicate.
|
|||
Dentelle délicate.
|
|||
Le toucher délicat d'un pianiste.
|
|||
La touche délicate d'un peintre.
|
|||
Peau délicate.
|
|||
Être de santé délicate.
|
|||
Problème délicat, question
délicate.
|
|||
La nuance est si délicate qu'elle
risque de vous échapper.
|
|||
S'engager dans une entreprise
délicate.
|
|||
Une situation délicate.
|
|||
Lecteur délicat.
|
|||
Pour un public un peu délicat.
|
|||
Il est peu délicat en affaires.
|
8. Employez ces substantifs dans les groupes de mots ou les phrases avec le
verbe « glisser » :
Des patins, un parquet ciré, une peau de banane, le pied, la voiture, le
fer à repasser, des mains, une couleuvre, le regard, une enveloppe, une
allusion, l’oreille, une erreur.
9. Traduisez en ukrainien les expressions avec le mot « heure » :
Faire du cent à l'heure. Mettre sa montre à l'heure. Commencer (bien)
avant l'heure. Avancer l'heure du dîner. Femme de ménage payée à l'heure. Fam. Je ne vous demande pas l'heure
qu'il est !
Trouvez 10 autres exemples d’emploi du mot « heure ».
10. Traduisez les groupes de mots et les phrases avec le mot « fendre » :
a)
Fendre du bois avec une hache.
b)
Geler à pierre fendre.
c)
Il s'est fendu le crâne en tombant.
d)
Se fendre la pipe (la gueule, la
pêche, la poire).
e)
Fendre le cœur, l'âme. Le navire
fend les flots.
f)
L'hirondelle fend l'air d'un vol
rapide.
g)
Fendre la bise.
h)
Fendre la foule pour se frayer un
passage.
i)
Sous l'effet du tremblement de terre, ce gros
rocher s'est fendu.
j)
Un vieux mur qui se fend.
k)
Vase qui se fend.
l)
Dans le feu les châtaignes se fendent.
m) Il s'est fendu d'une bouteille.
11. Traduisez en
employant les verbes du texte :
1.Не слід поспішати судити людей. 2. Він постарався попередити всіх. 3. Вона зволила прийти. 4.Мені здається, що я сплю. 5.Я запропонував йому зупинитися в мене. 6. Ця новина мене приголомшила. 7.Ця пісня крає мені серце. 8. Його поведінка говорить про певну сміливість. 9. Його підстерігає небезпека. 10. Циганка поворожила йому на картах. 11. Вона втекла, не залишивши слідів. 12. Він переповів мені свою подорож дослівно. 13. Батько різко заговорив з сином. 14. Вона не виявила жодної цікавості з цього приводу. 15. Її обличчя перекосилося. 16. Її очі налилися кров’ю. 17.Мені хочеться вірити, що все це правда. 18. Чи повела б ти мене на цю виставку? 19. Я проведу вас до дверей. 20. Він шепнув мені це на вухо та вимушено всміхнувся.
12. Traduisez d’après le texte et faites entrer dans
les phrases :
На щастя; за; без перешкоди; бачачи когось; жорстоко; поступово.
13. Traduisez en français le résumé de l’histoire :
Одного вечора оповідач зустрічає молоду циганку, Карменсіта пропонує цому поворожити. Так як він дуже любить оккультні науки, він погоджується.
14.Traduisez
en français :
1. Була темна ніч, кущі жасмину видихали п’нкий аромат, навколо було тихо, в темноті було лише чути хлюпотіння Гвадальківіра та гудіння мошкари.– 2. Незнайома зронила на плечі мантилію, місяць освітив її смугляве обличчя з повними, но гарно окресленими губами.– 3.У циганки був гарнй розріз очей. Її очі зазвичай лукаві і веселі веселі у хвилини гніву наливались кров’ю і ставали жахні.– 4. То була дивна і дика краса; обличчя, яке вражало відразу і його неможливо було забути.– 5. Сидячи навпроти Кармен, яка задумливо обривала пелюстки троянд, незнайомець мав повну можливість роздивитись красу циганки.– 6. Дізнавшись, що Кармен живе на краю передмістя, її новий знайомий захотів провести її додому.– 7. Кармен і її супутник підійшли до будинку аж ніяк не схожого на палац. Стара, зморщена циганка похожа на відьму, відкрила їм двері і щось пробурмотіла на незнайомій говірці.– 8. Розклавши карти на столі циганка почала ворожити. Її віщування були хмурні.– 9. Балакучість Кармен дратувала Дона-Хосе.– 10. Небажаний гість грубо відштовхнув циганку, яка спішила йому щось сказати і зробив крок до дверей.– 11. Дон-Хосе не вважав що з його боку небудe нескромністю спитати у свого суперника мету його приходу.– 12. Кармен з надзвичайною квапливістю почала розповідати Дон-Хосе про події минулого дня, але він був у поганому настрої і неслухав її.– 13. Він кинув на циганку погляд повний зневаги і не зволив їй відповісти.- 14. Повернувшись додому, він побачив, що його портсигар був порожній і що в нього вкрали годинник.
15.Thème :
Моя циганка не могла претендувати на таку досконалість. Її шкіра, щоправда, напрочуд гладенька, своєю барвою нагадувала мідь. Її очі були розкосі, але з чудовим розрізом; її губи – трохи повнуваті, але гарно окреслені, і за ними видніли зуби, біліші від очищених зерен мигдалю. Її волосся, можливо, трохи грубувате, було чорне, з синім полиском, як воронове крило, довге й лискуче. Щоб не втомлювати вас аж надто детальним описом, скажу, що з кожним недоліком у неї поєднувалась якась принадлива риса, яка, можливо, через контраст вимальовувалась і ще виразніше. Це була дивна і дика краса; це обличчя відразу вражало, і його неможливо було забути. Надто ж її очі мали вирвз водночас і чуттєвий і жорстокий: такого я відтоді не зустрічав у жодному людському зорі. “Циганське око – що вовче око”. Ця іспанська приказка містить влучне спостереження. Якщо вам ніколи відвідати зоопарк, аби придивитись до вовчих очей, погляньте на свого кота, коли він чигає на горобця.
ANALYSE STYLISTIQUE DU TEXTE
L'étude stylistique d'un texte
permet de mettre en évidence les moyens mis en œuvre par un auteur, dans un cadre générique
déterminé, pour faire partager une vision spécifique du monde
(c'est-à-dire ce qui est dit, raconté). L'analyse stylistique d'un texte repose
généralement sur l'étude du vocabulaire, des figures de
style, de la syntaxe, etc. tout en conciliant la forme et le fond
(= le sens). Ce qui fonde l'étude stylistique d'un texte est la conviction que
chaque texte littéraire véhicule une vision subjective, c'est-à-dire une vision
non neutre.
LA FORME de
l’extrait de la nouvelle « Carmen »
Étude du vocabulaire
1. Complétez le champ lexical (groupement
de termes exprimant une même idée, c'est-à-dire contenant des sèmes identiques)
de la « sorcellerie ».
Expliquez cette notion en employant les mots repérés.
Séquence 1. l. 5 vêtue, tout
en noir ; l. 37 bohémienne ; l.38 dise la baji ; l. 41 une
sorcière ; l. 43 une servante du diable ; l. 46 les sciences
occultes ; conjurer l’esprit de ténèbres ; l. 49 les
superstitions ; l. 50 la magie.
Séquence 2. l. 2 un globe de verre ; etc.
Séquence 3. l. 13 les cérémonies magiques ;
etc.
2. La nouvelle « Carmen » a pour enjeu l’étude ethnographique des
mœurs de gitans espagnols. Trouvez dans le texte les réalités et les mots espagnols et gitans, expliquez-les en
français. Par exemple :
¨
grisette (f) - Vieilli Jeune fille de condition modeste, ouvrière
dans les maisons de couture, de mœurs faciles et légères.
Étude des figures de style
· Comparaison
La comparaison met en relation deux termes (le comparé A et
le comparant B) grâce à un terme-outil de comparaison (comme, tel,
semblable, etc.). Elle rapproche deux mots ou deux expressions selon un
rapport de ressemblance ou d’analogie. L’effet créé : la fusion connotative
(le comparé A capte beaucoup de connotations[1] du comparant B et vice versa).
Exemple
d’analyse d’une comparaison :
Séquence 2 ;
l. 16 « des dents plus blanches que des amandes sans leur peau »
- le comparé A « dents blanches » est lié au comparant B « amandes
sans leur peau » par un outil de comparaison « plus...
que ». Effet de style : cette comparaison est faite d’après l’analogie de
la couleur. Les connotations qu’apporte le comparant « amandes » sont :
fruit, noyau, exotique, forme oblongue, surface
lisse, doux, amer, gourmandise, bouche etc.
Exercice. Cherchez les comparaisons dans
l’extrait de la nouvelle « Carmen » et expliquez leurs effets de
style.
[1] Connotation (f) ou le sens connoté d’un mot, c’est un sens second, affectf (influencé par les sentiments) et suggéré (sous-entendu), variable selon les groupes des individus, le contexte etc. (≠ Dénotation (f) ou le sens dénoté d’un mot, c’est un sens objectif, livré par le dictionnaire, adopté par tous les usagers de la langue.)
· Litote
La litote est une figure qui consiste à dire moins pour
suggérer davantage (un mot ou une expression B remplace un mot ou une
expression A où B dit moins que A, l’attenue, le minore).
L’effets créés : la litote renforce l'information,
mais aussi exprime la sobriété, la mesure et la pudeur. Elle peut être souvent
ironique.
Exemple
d’analyse de la litote :
Séquence 4 ; l.4 « une maison qui n’avait
nullement apparence d’un palais » (B) ≠ c’était un taudis (A) – l’emploi
de la litote souligne la pauvreté de la maison. Effet de
style : atténuation d’une idée par une tournure moins forte ; ironie.
Exercice. Expliquez les effets de style des
litotes suivantes :
Séquence 1 ; l.18 « je crus n’être point indiscret »; Séquence
4 ; l.4 « d’une façon peu gracieuse ».
· Antithèse
L’antithèse oppose des mots, des phrases ou des ensembles
plus vastes (paragraphes, chapitres) dont le sens est inverse ou il le devient
selon le contexte (A ≠ B).
L’effets créés : elle met en parallèle A et B pour
mieux les opposer, mettre en évidence, valoriser l’un des éléments ou les deux.
Exemple
d’analyse de l’antithèse :
Séquence 2; l.14-15 « ses yeux étaient obliques
mais admirablement fendus »
- l’écrivain met en parallèle deux caractérisations : yeux obliques
(généralement défaut de visage) et yeux admirablement fendus (marque de beauté).
Effet créé : opposer pour valoriser un des éléments de l’opposition – la beauté
des yeux de la bohémienne.
Exercice. Repérez d’autres antithèses dans l’extrait et expliquez
leurs effets de style.
·
Oxymore
Un oxymore est une figure d'opposition qui, à la
différence de l'antithèse, fait coexister deux termes de sens contraire à
l'intérieur d'un même syntagme[2] (A+B=AB où A ≠ B).
L’effet créé : l’oxymore réunit deux réalités antithétiques
pour les rendre identiques.
Exemple
d’analyse de l’oxymore :
S.; l. «obscure clarté qui tombe des
étoiles » – le syntagme nominal
obscure clarté fait coexister deux antonymes (clair ≠ obscur). Effet créé :
création de la nouvelle réalité – la lumière était fort faible.
Exercice. Expliquez les effets de style de l’oxymore contextuel suivant
: S.2 ; l. 28 «une jolie sorcière ».
[2] Un syntagme est un groupe de mots qui forme une unité par son sens et par sa fonction, à l'intérieur de la phrase.
·
Ironie
L’ironie est une figure macrostructurale qui consiste à
affirmer le contraire de ce que l'on veut faire entendre ; elle peut avoir
recours à l'antiphrase et l'hyperbole.
L’effets créés : la raillerie, l’implication de la
connivence de lecteur.
Exemple d’analyse de l’ironie :
S.; l. «j’avais des soupçons que cette gorge ne soit
pas la mienne » – le narrateur veut dire par cette phrase qu’en fait
il était sûr qu’il s’agissait de sa propre gorge, car à part lui dans la pièce
il n’y avait personne d’autre et la situation indiquait que c’était lui qui
aurait pu être exécuté. Effet créé : l’ironie marque l’attitude peu sérieuse
aux événements.
Exercice. Cherchez l’ironie dans l’extrait et expliquez son effet
de style.
· Antiphrase
Il s'agit d'un trope qui consiste à sous-entendre le
contraire de ce que signifie la phrase énoncée.
L’effet créé : cette figure microstructurale ne peut
se comprendre que dans une macrostructure d'ironie.
Exemple
d’analyse de l’antiphrase :
S.; l. «de me voir en si bonne compagnie » -
l’écrivain emploie le mot bonne pour
dire mauvaise (dangereuse). Effet créé
: provoquer et soutenir l’ironie – on dit le contraire de ce que l’on pense.
Exercice. Repérez d’autres antiphrases dans
l’extrait et expliquez leurs effets de style.
LE SENS de l’extrait de la nouvelle « Carmen »
1. Résumez l’histoire de l’extrait de la nouvelle
« Carmen ».
2. Présentez
le personnage de Carmen (du point de
vue du narrateur). Personnifie-t-elle la nation bohémienne ?
3. Présentez
le personnage du narrateur. Quelles
sont les motivations de son aventure ?
4. Présentez
le personnage de don José. Quel rôle
joue-t-il dans l’intrigue de l’extrait ?
5. Montrez
comment le récit représente le thème de
la sorcellerie.
TEXTE COMPLÉMENTAIRE
Première rencontre de don José et de Carmen
Je suis né, dit-il, à Elizondo, dans la vallée de Baztan.
Je m'appelle don José Lizarrabengoa, et vous connaissez assez l'Espagne,
monsieur, pour que mon nom vous dise aussitôt que je suis Basque et vieux
chrétien. Si je prends le don, c'est que j'en ai le droit, et si j'étais à
Elizondo, je vous montrerais ma généalogie sur un parchemin. On voulait que je
fusse d'Eglise, et l'on me fit étudier, mais je ne profitais guère. J'aimais
trop à jouer à la paume, c'est ce qui m'a perdu. Quand nous jouons à la paume,
nous autres Navarrais, nous oublions tout. Un jour que j'avais gagné, un gars
de l'Alava me chercha querelle; nous prîmes nos maquilas, et j'eus encore
l'avantage; mais cela m'obligea de quitter le pays. Je rencontrai des dragons,
et je m'engageai dans le régiment d'Almanza, cavalerie. Les gens de nos
montagnes apprennent vite le métier militaire. Je devins bientôt brigadier, et
on me promettait de me faire maréchal des logis, quand, pour mon malheur, on me
mit de garde à la manufacture de tabacs à Séville. Si vous êtes allé à Séville,
vous aurez vu ce grand bâtiment-là, hors des remparts, près du Guadalquivir. Il
me semble en voir encore la porte et le corps de garde auprès. Quand ils sont
de service, les Espagnols jouent aux cartes, ou dorment; moi, comme un franc
Navarrais, je tâchais toujours de m'occuper. Je faisais une chaîne avec du fil
de laiton, pour tenir mon épinglette. Tout d'un coup les camarades disent :
Voilà la cloche qui sonne; les filles vont rentrer à l'ouvrage. Vous saurez,
monsieur, qu'il y a bien quatre à cinq cents femmes occupées dans la manufacture.
Ce sont elles qui roulent les cigares dans une grande salle, où les hommes
n'entrent pas sans une permission du Vingt-quatre, parce qu'elles se mettent à
leur aise, les jeunes surtout, quand il fait chaud. A l'heure où les ouvrières
rentrent, après leur dîner, bien des jeunes gens vont les voir passer, et leur
en content de toutes les couleurs. Il y a peu de ces demoiselles qui refusent
une mantille de taffetas, et les amateurs, à cette pêche-là, n'ont qu'à se
baisser pour prendre le poisson. Pendant que les autres regardaient, moi, je
restais sur mon banc, près de la porte. J'étais jeune alors; je pensais
toujours au pays, et je ne croyais pas qu'il y eût de jolies filles sans jupes
bleues et sans nattes tombant sur les épaules. D'ailleurs, les Andalouses me
faisaient peur; je n'étais pas encore fait à leurs manières : toujours à
railler, jamais un mot de raison. J'étais donc le nez sur ma chaîne, quand
j'entends des bourgeois qui disaient : Voilà la gitanilla ! je levai les yeux,
et je la vis. C'était un vendredi, et je ne l'oublierai jamais. Je vis cette
Carmen que vous connaissez, chez qui je vous ai rencontré il y a quelques mois.
Elle avait un jupon rouge fort court qui laissait voir
des bas de soie blancs avec plus d'un trou, et des souliers mignons de maroquin
rouge attachés avec des rubans couleur de feu. Elle écartait sa mantille afin
de montrer ses épaules et un gros bouquet de cassie qui sortait de sa chemise.
Elle avait encore une fleur de cassie dans le coin de la bouche, et elle
s'avançait en se balançant sur ses hanches comme une pouliche du haras de
Cordoue. Dans mon pays, une femme en ce costume aurait obligé le monde à se
signer. A Séville, chacun lui adressait quelque compliment gaillard sur sa
tournure; elle répondait à chacun, faisant les yeux en coulisse, le poing sur
la hanche, effrontée comme une vraie bohémienne qu'elle était. D'abord elle ne
me plut pas, et je repris mon ouvrage; mais elle, suivant l'usage des femmes et
des chats qui ne viennent pas quand on les appelle et qui viennent quand on ne
les appelle pas, s'arrêta devant moi et m'adresse la parole :
– Compère, me dit-elle à la façon andalouse, veux-tu me
donner ta chaîne pour tenir les clefs de mon coffre-fort?
– C'est pour attacher mon épinglette, lui répondis-je.
– Ton épinglette ! s'écria-t-elle en riant. Ah ! monsieur
fait de la dentelle, puisqu'il a besoin d'épingles !
Tout le monde qui était là se mit à rire, et moi je me
sentais rougir, et je ne pouvais trouver rien à lui répondre.
– Allons, mon cœur, reprit-elle, fais-moi sept aunes de
dentelle noire pour une mantille, épinglier de mon âme !
Et prenant la fleur de cassie qu'elle avait à la bouche,
elle me la lança, d'un mouvement du pouce, juste entre les deux yeux. Monsieur,
cela me fit l'effet d'une balle qui m'arrivait... Je ne savais où me fourrer,
je demeurais immobile comme une planche. Quand elle fut entrée dans la
manufacture, je vis la fleur de cassie qui était tombée à terre entre mes
pieds; je ne sais ce qui me prit, mais je la ramassai sans que nies camarades
s'en aperçussent et je la mis précieusement dans ma veste. Première sottise !
·
Comparez les
descriptions de Carmen de deux points de vue : celui du narrateur et celui de
don José.
Bilan
PORTRAIT D’UNE BOHÉMIENNE
Le portrait est un texte donnant des renseignements sur l'être d'un
personnage, réel ou fictif. Il peut prendre la forme de la prose, du dialogue,
du monologue, du récit d'actions, de la description d'un habitat ou d'un décor,
etc. Le personnage est construit par toutes les phrases prononcées sur lui et
par lui. L'on pourrait alors définir le portrait comme un lieu du texte ou
comme un texte caractérisé par une densité telle de renseignements que le
lecteur peut se faire une idée complète d'un personnage.
Dans le portrait romanesque réaliste l'information est différée. Le
détail est un indice, indice valant pour les événements ultérieurs du récit, ou
indice rappelant un événement antécédent. Au lieu de parler directement de la
psychologie du personnage, de son caractère ou de sa profession, on parle de
son habit, de son habitat, de ses habitudes. Le portrait peut être remplacé par
une description du milieu.
Le mythe de la bohémienne
Carmen et
Esméralda, deux figures emblématiques de la bohémienne dans la littérature
française du XIXe siècle. L'une et l'autre allient l'attrait de l'exotisme, le
pouvoir de la magicienne, la force de la séduction. Mais, à la différence de
Hugo, qui semble vouloir effacer cette étrangeté en faisant d'Esméralda une
enfant enlevée, Mérimée crée avec Carmen le mythe de la bohémienne, obéissant à
la seule "loi d'Égypte", qui exige la soumission absolue à l'intérêt
de la tribu, et prisant, par dessus tout, la liberté de mouvement. De Mila dans
La Chronique du règne de Charles IX à la jeune fille dans Djoûmane, Carmen a de
nombreuses sœurs dans l'œuvre de Mérimée. Aucune ne possède cependant autant de
relief qu'elle. Aussi inspira-t-elle l'opéra de Bizet, qui fait oublier parfois
l'originale.
La rencontre
de la bohémienne correspond à une plongée dans l'inconnu, en raison de l'attitude
de Carmen, d'abord (tous ses actes sortent de l'ordinaire : elle chante, danse,
lit les lignes de la main, sait guérir les blessures, se livre à la contrebande
et au vol), et, plus profondément, en raison de l'incertitude de son origine
qui fait d'elle, partout, une étrangère. On peut voir en Carmen une figure de
la transgression, non seulement parce que sa beauté échappe aux codes, mais
parce que sa nature insituable et mêlée ébranle les frontières entre humanité
et animalité et rend caduques les lois sociales.
Carmen
incarne en priorité deux valeurs : elle est d'abord une grande figure de femme
fatale et un symbole de liberté. L'amour, ambigu, dévastateur, qu'elle porte à
don José se laisse comparer à celui d'Iseult, mieux, à celui de Manon Lescaut.
La fleur de cassie qu'elle jette au front de don José remplace la flèche ou le
philtre de l'amour ; elle s'attache son amant de manière définitive. Elle croit
au destin (confondu pour elle avec Mère nature) : tout est écrit d'avance, on
ne peut lutter ni contre l'amour, ni contre la mort. Mais au dessus de l'amour,
Carmen place la liberté, celle des nomades, qu'elle défend coûte que coûte :
"Pour les gens de sa race, écrit le narrateur, la liberté est tout, et ils
mettraient le feu à une ville pour s'épargner un jour de prison".
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