GALYNA DRANENKO
Littérature
française du XIX° siècle. Lecture analytique
DOSSIER 3. Stendhal (1783-1842)
Introduction
Stendhal s'est souvent vanté d'écrire
pour un petit nombre de ses contemporains : "J'écris pour des amis
inconnus, une poignée d'élus qui me ressemblent : les happy few", –
indique-t-il dans la Vie d'Henry Brulard.
Puis, joueur, il ajoute " je mets un billet de loterie dont le gros lot se
résume à ceci : être lu en 1935". A sa mort, en 1842, à l'exception de
Balzac, Mérimée, Barbey d'Aurevilly et de quelques autres, les contemporains de
Stendhal n'ont pas reconnu la portée de son œuvre. En 1865, plus de vingt ans
après, Le Grand Dictionnaire Universel du
XIXème siècle a d'ailleurs cette formule réductrice : "… il n'a
l'étoffe ni d'un grand écrivain, ni d'un grand penseur, ni d'un grand critique
".
Il faudra
attendre 1888 pour que paraisse son journal et c'est en 1890 que sera publié la Vie de Henry Brulard, un récit très
autobiographique. Lamiel et Lucien Leuwen, deux romans inachevés
paraîtront également bien après sa mort, d'abord par fragments puis dans leur
forme définitive entre 1927 et 1929.
Les deux
grands romans que Stendhal publiera de son vivant : Le Rouge et le Noir en 1830 et la
Chartreuse de Parme en 1839, n'auront que peu d'échos. Ce dernier qu'il
écrira, en cinquante deux jours, d'une prodigieuse inspiration lui vaudra
toutefois un article de 72 pages, signé Balzac : « M. Beyle a fait un
livre où le sublime éclate de chapitre en chapitre… ». L'auteur d'Eugénie
Grandet sera le premier à déceler en Stendhal, l'un des grands écrivains du
dix-neuvième siècle.
On a souvent
accolé l'épithète "sec" au style de Stendhal. A une époque où régnait
le goût des envolées lyriques, Stendhal a eu en horreur l'éloquence et
l'emphase. Il détesta Chateaubriand et Mme de Staël. Dès 1821, Stendhal, qui
décidément n'accordait que peu de confiance à ses contemporains, avait composé
lui-même son épitaphe, en italien : "Henri Beyle, Milanais, vécut, aima,
écrivit. Cette âme adorait Cimarosa, Mozart et Shakespeare…". Méprisé et
moqué par son siècle, celui qui avait annoncé que sa gloire serait surtout
posthume règne désormais comme l'un des écrivains majeurs de la littérature
française.
Approche du roman Le Rouge et le Noir
Stendhal a publié Le Rouge
et le Noir en 1830. Il a alors quarante sept ans. Le Rouge et le Noir est
son second roman. L'intrigue de ce roman a été inspirée à Stendhal par un fait
divers dont le dénouement eut pour cadre les assises de l'Isère, son
département d'origine. En 1827, Berthet, fils d'un artisan et jeune séminariste
a été jugé et condamné à mort pour avoir assassiné en pleine messe son ancienne
maîtresse, l'épouse d'un notable qui l'avait engagé comme précepteur de ses
enfants.
L'action se passe sous la
Restauration, à Verrières, une petite ville du Jura. Julien Sorel a dix-neuf
ans. C'est un jeune homme d'origine modeste. Il est le fils d'un charpentier
brutal. Sa condition le prédestine aux travaux de force. Mais Julien Sorel,
ambitieux, rêve de gloire et s'évade dans la littérature. Il est fasciné par le
prestige de Napoléon, et se verrait bien épouser une carrière militaire. Mais
sur les conseils de l'abbé Chélan, le curé de son village, il envisage d'entrer
au séminaire. Cela lui parait en effet la seule voie judicieuse d'ascension
sociale "dans une société frileuse où la naissance roturière est redevenue
un handicap après le grand brassage égalitaire opéré par la Révolution et
l'Empire".
Grâce à l'abbé Chélan, qui l'a
pris en sympathie et qui lui a enseigné le latin, Julien est engagé par
Monsieur de Rênal, le maire légitimiste de la ville. Ce dernier, par vanité,
recherche un précepteur pour ses enfants. Timide et indocile dans un premier
temps, Julien Sorel ne tarde pas à trouver un certain attrait à cette nouvelle
vie. Il tombe sous le charme de Mme de Rênal et devient son amant. Mme de Rênal
l'initie aux intrigues de la petite ville et aux mesquineries de la bourgeoisie
locale.
Grâce à la tendresse qu'elle
lui manifeste Julien connaît alors un bonheur éphémère. A l'occasion de la
visite d'un roi à Verrières, Julien le cœur empli de joie et de fierté défile à
cheval, dans un bel uniforme. Cette soudaine ascension sociale fait jaser dans
la petite ville. La maladie de son jeune fils
réveille les remords de Mme de Rênal, qui se croit punie par Dieu; tandis qu'à
l'inverse cette crise morale décuple l'amour de Julien. Le soir même, une
lettre anonyme adressée à M. de Rênal dénonce cet adultère. Colère du mari
trompé qui oblige Julien à quitter Verrières. Ce départ n'altère en rien
l'amour profond que lui porte Mme de Rênal, et qui ne se démentira pas.
Étude de
l’extrait du roman « Le Rouge et le Noir »
LA PROMENADE DE JULIEN
Séquence narrative 1.
Pendant que
Mme de Rênal était en proie à ce qu’a de plus cruel la passion terrible dans
laquelle le hasard l’avait engagée, Julien poursuivait son chemin gaiement
au milieu des plus beaux aspects que puissent présenter les scènes de
montagnes. Il fallait traverser la grande chaîne au nord de Vergy. Le sentier
qu'il suivait, s'élevant peu à peu parmi de grands bois de hêtres, forme des
zigzags infinis sur la pente de la haute montagne qui dessine au nord la vallée
du Doubs. Bientôt les regards du voyageur, passant par-dessus les coteaux moins
élevés qui contiennent le cours du Doubs vers le midi, s'étendirent jusqu'aux
plaines fertiles de la Bourgogne et du Beaujolais. Quelque insensible que l'âme de
ce jeune ambitieux fût à ce genre de beauté, il ne pouvait s'empêcher de
s'arrêter de temps à autre, pour regarder un spectacle si vaste et si imposant.
Enfin il
atteignit le sommet de la grande montagne, près duquel il fallait passer pour
arriver, par cette route de traverse, à la vallée solitaire qu'habitait
Fouqué, le jeune marchand de bois son ami. Julien n'était point pressé de le
voir, lui ni aucun autre être humain. Caché comme un oiseau de proie, au
milieu des roches nues qui couronnent la grande montagne, il pouvait apercevoir
de bien loin tout homme qui se serait approché de lui. Il découvrit une petite
grotte au milieu de la pente presque verticale d'un des rochers. Il prit
sa course, et bientôt fut établi dans cette retraite. Ici,
dit-il, avec des yeux brillants de joie, les hommes ne sauraient me faire
de mal. Il eut l'idée de se livrer au plaisir d'écrire ses
pensées, partout ailleurs si dangereux pour lui. Une pierre carrée lui servait
de pupitre. Sa plume volait : il ne voyait rien de ce qui l'entourait. Il
remarqua enfin que le soleil se couchait derrière les montagnes éloignées du
Beaujolais.
Pourquoi ne
passerais-je pas la nuit ici? Se dit-il, j'ai du pain, et je suis libre ! Au
son de ce grand mot son âme s'exalta, son hypocrisie faisait qu'il
n'était pas libre même chez Fouqué. La tête appuyée sur les deux mains, Julien
resta dans cette grotte plus heureux qu'il ne l'avait été de la vie, agité
par ses rêveries et par son bonheur de liberté. Sans y songer il vit
s'éteindre, l'un après l'autre, tous les rayons du crépuscule. Au milieu de
cette obscurité immense, son âme s'égarait dans la contemplation
de ce qu'il s'imaginait rencontrer un jour à Paris. C'était d'abord une femme
bien plus belle et d'un génie bien plus élevé que tout ce
qu'il avait pu voir en province. Il aimait avec passion, il était aimé. S'il se
séparait d'elle pour quelques instants, c'était pour aller se couvrir de gloire, et
mériter d'en être encore plus aimé.
Même en lui
supposant l'imagination de Julien, un jeune homme élevé au milieu des tristes
vérités de la société de Paris eût été réveillé à ce point de son roman par la
froide ironie; les grandes actions auraient disparu avec l'espoir d'y
atteindre, pour faire place à la maxime si connue : Quitte-t-on sa maîtresse,
on risque, hélas ! D'être trompé deux ou trois fois par jour. Le jeune paysan
ne voyait rien entre lui et les actions les plus héroïques, que le manque
d'occasion.
Mais une nuit
profonde avait remplacé le jour, et il avait encore deux lieues à faire pour
descendre au hameau habité par Fouqué. Avant de quitter la petite grotte,
Julien alluma du feu et brûla avec soin tout ce qu'il avait écrit.
Fiche de vocabulaire 1
Mot
|
Explications,
exemples d’emploi
|
Synonymes
|
Antonymes
|
En
ukrainien
|
en proie à
|
Tourmenté par (un mal, un
sentiment, une pensée).
Être en proie au désespoir.
|
переживати муки
|
||
oiseau de proie
|
L'aigle, l'épervier, l'autour
sont des oiseaux de proie.
|
rapace
|
хижий птах
|
|
hasard (m)
|
Cause fictive de ce qui arrive
sans raison apparente ou explicable, souvent personnifiée au même titre que
le sort, la fortune, etc.
|
destin,
fatalité, fortune, sort
|
доля
|
|
insensible
|
Qui n'a pas de sensibilité morale
: détaché, froid, impassible, imperturbable, indifférent.
Qui n'a pas ou a peu d'émotions :
cruel, dur, égoïste, endurci, impitoyable,
implacable, inexorable.
|
sensible, émotif
|
нечутливий до
|
|
ambitieux
|
Qui a de l'ambition, désire
passionnément réussir.
Être
ambitieux (= Avoir les dents longues).
Ambitieux sans scrupules.
|
arriviste,
carriériste
Jeune loup.
|
честолюбний
|
|
imposant
|
Dont la grandeur frappe
l'imagination.
|
grandiose,
superbe
|
величний
|
|
solitaire
|
Où l'on est seul; qui est inhabité
ou éloigné des lieux habités. « Dans
le vieux parc solitaire et glacé » (Verlaine).
|
abandonné,
dépeuplé, écarté, isolé, retiré, sauvage
|
відлюдний
|
|
course (f)
|
Action de parcourir un espace.
Faire une longue course en montagne.
Prendre sa
course.
|
déplacement,
ascension
|
видертись
|
|
s’établir
|
Fixer sa demeure (en un lieu). Aller s'établir à Paris.
Elle s'est établie en province.
|
habiter,
s'installer
|
влаштуватися
|
|
faire du mal à qqn.
|
nuire
|
заподіяти лиха
|
||
se livrer à
|
Effectuer (un travail, une tâche),
exercer (une activité).
Se livrer à un travail, à l'étude.
|
s'attacher,
s'atteler, se consacrer
|
віддатися
|
|
exalter
|
Élever (qqn) au-dessus de l'état
d'esprit ordinaire, échauffer son imagination, son besoin d'idéal.
Elle s'exalte à la pensée de ce grand projet.
|
animer,
enflammer, enivrer, exciter, passionner, soulever
|
запалати
|
|
hypocrisie
(f)
|
Attitude qui
consiste à déguiser son véritable caractère, à manifester des opinions, des
sentiments, et spécialement des vertus qu'on n'a pas.
|
dissimulation,
duplicité, fausseté, fourberie
|
franchise, loyauté, sincérité
|
лицемірство
|
agiter
|
Troubler (qqn) en déterminant un
état d'agitation.
« Je fus agité tout entier par la curiosité » (Proust).
|
émouvoir,
exciter, inquiéter, tourmenter
|
тішитися
|
|
rêverie (f)
|
Moment de rêverie, songe.
« Les Rêveries du promeneur solitaire » de Rousseau.
|
мрії
|
||
s’égarer
|
Se fourvoyer, se perdre.
« Mon esprit tourmenté s'égarait dans le rêve » (Maupassant).
|
поринути
|
||
contemplation
(f)
|
Concentration de l'esprit (sur un
sujet intellectuel ou religieux). Être
plongé, s'abîmer dans la contemplation.
« Les Contemplations », poésies de V. Hugo.
|
méditation
|
споглядання
|
|
génie (m)
|
Vx Aptitudes innées, dispositions naturelles; l'esprit, la personne qui
possède ces aptitudes.
|
caractère,
esprit, nature
|
душа
|
|
gloire (f)
|
Se couvrir, être couvert de gloire.
|
célèbre,
glorieux
|
вкрити себе славою
|
Compréhension de la séquence 1.
1. Lisez et traduisez la séquence 1.
2. Composez la liste des actions de Julien dans un ordre chronologique.
Faites ainsi le schéma narratif de
la séquence.
3. Résumez le contenu de la
séquence en une phrase. Donnez le titre
à cette séquence.
4. Repérez dans cette séquence le champ lexical du « chemin » en replissant la grille
suivante :
Noms
|
Verbes,
expressions
|
l.5 sentier ;
l.7 voyageur ;...
|
l.2-3 poursuivait son chemin ;
l.4 traverser ;...
|
5. Repérez dans cette séquence le champ lexical du « paysage».
6. Quels aspects du paysage montagnard attirent le regard de Julien ?
Dans quelles phrases est exprimée son émotion ?
7. Que symbolise le paysage
montagnard par rapport à l’histoire du personnage de Julien ?
Attribuez les symboles aux groupes de mots suivants :
poursuivre son chemin ; traverser une grande
chaîne ; le sentier en zigzags ; de grands bois de hêtres, la pente
de la haute montagne ; les plaines fertiles ; un spectacle si vaste
et si imposant ; atteindre le sommet ; passer par la route de
traverse ; prendre sa course ; se cacher dans une grotte.
8. Pourquoi Julien a-t-il voulu se cacher dans une grotte ? Qu’y
faisait-il ?
9. De quoi rêvait Julien ? Quels sentiment ses rêveries lui ont-ils
procuré?
10. Quel a été le but de la promenade de Julien ?
Séquence narrative 2.
Il étonna
bien son ami en frappant à sa porte à une heure du matin. Il trouva Fouqué occupé
à écrire ses comptes. C'était un jeune homme de haute taille, assez mal
fait, avec de grands traits durs, un nez infini, et beaucoup de bonhomie
cachée sous cet aspect repoussant.
– T’es-tu
donc brouillé
avec ton M. de Rênal, que tu m’arrives ainsi à l’improviste ?
Julien lui
raconta, mais comme il le fallait, les événements de la veille.
– Reste avec
moi, lui dit Fouqué, je vois que tu connais M. De Rênal, M. Valenod, le
sous-préfet Maugiron, le curé Chélan; tu as compris les finesses du caractère
de ces gens-là; te voilà en état de paraître aux adjudications. Tu sais
l'arithmétique mieux que moi, tu tiendras mes comptes. Je gagne gros dans mon
commerce. L'impossibilité de tout faire par moi-même, et la crainte de
rencontrer un fripon dans l'homme que je prendrais pour associé, m'empêchent tous
les jours d'entreprendre d'excellentes affaires. Il n'y a pas un mois que j'ai
fait gagner six mille francs à Michaud de Saint-Amand, que je n'avais pas revu
depuis six ans, et que j'ai trouvé par hasard à la vente de Pontarlier.
Pourquoi n'aurais-tu pas gagné, toi, ces six mille francs, ou du moins trois
mille? Car, si ce jour-là je t'avais eu avec moi, j'aurais mis l'enchère
à cette coupe de bois, et tout le monde me l'eût bientôt laissée. Sois mon
associé.
Cette offre donna
de l'humeur à Julien, elle dérangeait sa folie. Pendant tout le
souper, que les deux amis préparèrent eux-mêmes comme des héros d'Homère, car
Fouqué vivait seul, il montra ses comptes à Julien, et lui prouva combien son
commerce de bois présentait d'avantages. Fouqué avait la plus haute idée des
lumières et du caractère de Julien.
Quand enfin
celui-ci fut seul dans sa petite chambre de bois de sapin : Il est vrai, se
dit-il, je puis gagner ici quelques mille francs, puis reprendre avec avantage
le métier de soldat ou celui de prêtre, suivant la mode qui alors régnera en
France. Le petit pécule que j'aurai amassé lèvera toutes les difficultés de détail.
Solitaire dans cette montagne, j'aurai dissipé un peu l'affreuse ignorance
où je suis de tant de choses qui occupent tous ces hommes de salon.
Mais Fouqué renonce à se marier, il me répète que la solitude le rend
malheureux. Il est évident que s'il prend un associé qui n'a pas de
fonds à verser dans son commerce, c'est dans l'espoir de se faire un compagnon
qui ne le quitte jamais.
Tromperai-je
mon ami? S'écria Julien avec humeur. Cet être, dont l'hypocrisie et l'absence
de toute sympathie étaient les moyens ordinaires de salut, ne put cette fois
supporter l'idée du plus petit manque de délicatesse envers un homme qui
l'aimait.
Mais tout à
coup, Julien fut heureux, il avait une raison pour refuser. Quoi, je perdrais lâchement
sept ou huit années ! J'arriverais ainsi à vingt-huit ans; mais, à cet
âge, Bonaparte avait fait ses plus grandes choses. Quand j'aurai gagné obscurément
quelque argent en courant ces ventes de bois et
méritant la faveur de quelques fripons subalternes, qui me dit que j'aurai
encore le feu sacré avec lequel on se fait un nom?
Le lendemain
matin, Julien répondit d'un grand sang-froid au bon Fouqué, qui regardait
l'affaire de l'association comme terminée, que sa vocation pour le saint
ministère des autels ne lui permettait pas d'accepter. Fouqué n'en revenait
pas.
– Mais
songes-tu, lui répétait-il, que je t'associe ou, si tu l'aimes mieux, que je te
donne quatre mille francs par an? Et tu veux retourner chez ton M. Rênal, qui
te méprise comme la boue de ses souliers ! Quand tu auras deux cents louis
devant toi, qu'est-ce qui t'empêche d'entrer au séminaire? Je te dirai plus, je
me charge de te procurer la meilleure cure du pays. Car, ajouta Fouqué en
baissant la voix, je fournis de bois à brûler M. Le…,.M. le…, M… Je leur livre
de l'essence de chêne de première qualité qu'ils ne me payent que comme du bois
blanc, mais jamais argent ne fut mieux placé.
Fiche de vocabulaire 2
1
|
2
|
3
|
4
|
5
|
comptes (m)
|
Comptabilité.
Faire ses comptes. Livre de comptes.
|
рахунки,
підрахунки
|
||
bonhom(m)ie
(f)
|
Simplicité dans les manières,
unie à la bonté du cœur.
Une aimable, une charmante bonhomie.
|
bonté,
simplicité
|
предобре серце
|
|
repoussant
|
Qui inspire la répulsion, le
dégoût ou l'aversion.
Il est d'une laideur repoussante.
|
répulsif
|
attirant, attrayant
|
непривабливий
|
se
brouiller
|
Cesser d'être ami.
Elles se sont brouillées. Se brouiller avec qqn.
|
se fâcher
|
посваритися
|
|
adjudication
(f)
|
Adjudication administrative :
marché entre l'Administration et un particulier dans des conditions de
publicité et de concurrence, l'Administration vendant au plus offrant, ou
achetant à celui qui fait le rabais le plus intéressant en respectant le
cahier des charges (= Appel d'offres).
|
торги на підряди
|
||
gagner gros
|
Faire de gros bénéfices.
|
багато (чимало) заробляти
|
||
fripon (m)
|
Vx Personne
malhonnête, voleur adroit.
|
coquin,
escroc, filou, gredin
|
шахрай
|
|
associé
|
Personne qui met en commun son
activité ou ses biens dans une entreprise
|
компаньйон
|
||
enchère (f)
|
Offre d'une somme supérieure à la
mise à prix ou aux offres précédentes, au cours d'une adjudication.
Vente aux enchères. Collection vendue aux enchères Faire, porter, mettre une
enchère sur qqch. Pousser, faire monter les enchères.
|
licitation
enchérir
|
торги
|
|
humeur (f)
|
Absolt, littér.
Mauvaise humeur. Accès, geste,
mouvement d'humeur. À mes moments d'humeur.
|
colère,
irritation
|
Donner de l’humeur : не сподобатись
|
|
folie (f)
|
C'est de la folie, de la pure folie.
|
absurdité,
bêtise, délire
|
фантастичні мрії
|
|
les lumières
|
La capacité intellectuelle
naturelle, l'intelligence; les connaissances acquises, le savoir. « Les hommes se conduisaient par leurs
lumières plutôt que par leurs passions » (Rousseau). Avoir des lumières sur qqch., sur un
sujet. J'ai besoin de tes lumières.
|
освіченість
|
||
pécule (m)
|
Somme d'argent économisée peu à
peu.
Se constituer un petit pécule.
|
fortune
|
грошенята
|
|
de détail (m)
|
Le fait de
livrer, de vendre ou d'acheter par petites quantités ce qu'on a acheté en
gros. Commerce, magasin de détail.
Marchand qui fait le gros, le demi-gros et le détail.
|
gros
|
дрібний
|
|
dissiper
|
Dissiper un malaise, un
malentendu.
Dissiper
les craintes, les soupçons, les doutes, les illusions de qqn.
|
éclaircir
ôter
|
розвіяти
|
|
ignorance
(f)
|
Défaut de connaissances ou de
pratiques dans un domaine déterminé.
Je reconnais mon ignorance sur ce chapitre, en ce domaine.
|
incompétence,
insuffisance
|
неуцтво
|
|
fonds (m)
|
Capital.
|
капітал
|
||
salut (m)
|
Le fait d'échapper à la mort, au
danger, de garder ou de recouvrer un état heureux, prospère. Chercher son salut dans la fuite. Ne
devoir son salut qu'à...
|
sauvegarde
|
пробивати собі дорогу
|
|
lâchement
|
Avec bassesse, honteusement,
indignement.
Ils l'ont lâchement assassiné.
|
bravement
|
марно
|
|
obscurément
|
En restant ignoré, inconnu.
Finir ses jours obscurément, dans l'anonymat.
|
glorieusement
|
безвісно
|
|
courir
|
Fréquenter assidûment.
Courir les théâtres, les magasins. Courir les filles.
|
hanter
|
тинятися
|
|
subalterne
|
Qui occupe un rang inférieur, est
dans une position subordonnée laissant peu de part à l'initiative. Officier, employé subalterne.
|
inférieur
|
жалюгідний
|
|
feu sacré
|
Ardeur, enthousiasme.
Il n'a pas le feu sacré.
|
іскра священного вогню
|
||
nom
|
Se faire un nom. Laisser un nom.
|
célébrité,
gloire, renommée
|
прославитися
|
|
jour (m)
|
Fig. « Vivre au jour le jour,
sans souci du lendemain, sans préoccupations pour l'avenir »
(Flaubert).
|
день
|
||
rayon (m)
|
Un rayon d'espérance.
Loc. Un rayon de soleil : chose
ou personne qui remplit le cœur de joie.
|
промінь
|
||
nuit (f)
|
Fig. La
nuit des temps, se dit d'une époque très reculée, dont on ne sait
rien.
|
сива давнина
|
||
nez (m)
|
Mettre le nez dehors : sortir. Il
fait un temps à ne pas mettre le nez dehors.
|
не висунеш носа
|
||
feu (m)
|
Jouer avec le feu; fig. avec le
danger.
|
вогонь
|
Compréhension de la séquence 2.
1. Lisez et traduisez la séquence 2.
2. Donnez le titre à cette
séquence.
3. Comment l’auteur brosse-t-il le portrait
de Fouqué ?
4. Le « souper, que les deux
amis préparèrent eux-mêmes comme des héros d'Homère ». De quels héros d’Homère s’agit-il ?
Pourquoi Stendhal fait-il cette comparaison ?
5. Quelle proposition fait Fouqué à Julien ? Quels arguments expose-t-il
pour le persuader ? Pourquoi Julien ne peut-il pas accepter cette
proposition ? Quelles raisons expose-t-il ? Pour répondre à ces
questions remplissez la grille :
Julien
comme associé de Fouqué
|
|||
POUR
|
CONTRE
|
||
Compétences de Julien
|
l. 8-10 « tu connais [...] ces gens-là; te voilà en état de paraître
aux adjudications ».
...
|
Vie dans un hameau
|
l.32-35 Si Fouqué « prend un associé [...] c'est dans l'espoir de se
faire un compagnon qui ne le quitte jamais ».
...
|
...
|
...
|
...
|
...
|
. En quoi consistent les différences dans la vision de vie de
deux amis ?
7. Quel rôle joue dans le texte
l’évolution du temps de la journée
(jour, crépuscule, nuit, matin) ?
Séquence narrative 3.
Rien ne put
vaincre la vocation de Julien. Fouqué finit par le croire un peu fou. Le
troisième jour, de grand matin, Julien quitta son ami pour passer la journée au
milieu des rochers de la grande montagne. Il retrouva sa petite grotte, mais il
n'avait plus la paix de l'âme, les offres de son ami la lui avaient
enlevée. Comme Hercule, il se trouvait non entre le vice et la vertu,
mais entre la médiocrité suivie d'un bien-être assuré et tous les rêves
héroïques de sa jeunesse. Je n'ai donc pas une véritable fermeté, se disait-il;
et c'était là le doute qui lui faisait le plus de mal. Je ne suis pas du bois
dont on fait les grands hommes, puisque je crains que huit années passées à me
procurer du pain ne m'enlèvent cette énergie sublime qui fait faire les choses
extraordinaires.
Fiche de vocabulaire 3
1
|
2
|
3
|
4
|
5
|
vocation
(f)
|
Inclination, penchant (pour une profession, un état).
Manquer, suivre, contrarier sa vocation. Vocation
artistique.
|
attirance,
disposition, goût
|
покликання
|
|
offre (m)
|
Action d'offrir; ce que l'on offre.
Offres de paix, de négociations.
|
ouverture,
proposition
|
пропозиція
|
|
vice (m)
|
Vieilli Disposition habituelle au mal;
conduite qui en résulte.
« L'hypocrisie
est un hommage que le vice rend à la vertu » (La Rochefoucauld).
|
immoralité
|
vertu
|
порок, порочність
|
vertu (f)
|
Vx Énergie
morale; force d'âme.
La règle morale, le principe qui pousse à la vertu.
Suivre le
chemin, le sentier de la vertu.
|
cœur,
courage
|
lâcheté, défaut, vice
|
чеснота, доблесть, мужність
|
bois (m)
|
1.Espace de terrain couvert d'arbres.
2. Matière
ligneuse et compacte des arbres.
Couper, scier, fendre, tronçonner du bois. Ramasser
du bois. Se chauffer au bois. Bois de construction, de menuiserie,
d'ébénisterie, d'industrie. Meubles en bois, en bois massif.
Loc. fig. Faire feu de tout bois : utiliser
tous les moyens en son pouvoir.
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ліс,
дерево,
деревина
|
Compréhension de la séquence 3.
1. Lisez et traduisez la séquence 3. Donnez-lui un titre.
2. Pourquoi le refus à Fouqué
a-t-il autant troublé l’âme de Julien ?
3. Quels traits de caractère de
Julien apparaissent dans son monologue intérieur ?
ANALYSE STYLISTIQUE DU TEXTE
LA FORME de
l’extrait
Étude du vocabulaire
1. Étudiez le
champ sémantique[1]
du mot « proie » dans les phrases de la séquence 1. :
l.1-2. « Mme de Rênal était en proie
à ce qu’a de plus cruel la passion terrible dans laquelle le hasard l’avait
engagée »
l.16-18. « Caché comme un oiseau
de proie, au milieu des roches nues qui couronnent la grande montagne,
il pouvait apercevoir de bien loin tout homme qui se serait approché de
lui. »
[1] Le champs sémantique c’est l’ensemble de significations que prend un même mot utilisé plusieurs fois dans le texte. Chaque fois il se charge de connotations nées du contexte.
2. Trouvez dans l’extrait le champ lexical de l’ « ambition».
Expliquez le sens de cette notion en employant les mots repérés.
3. Mots du commerce. L’extrait contient le lexique lié au domaine du
commerce. Trouvez dans le texte ces mots et ces expressions, expliquez-les.
Étude des figures de style
· Périphrase
La périphrase est le
remplacement d’un mot par plusieurs autres qui le définissent, explicitent,
c’est une désignation de nature descriptive.
Effet créé : elle insiste
sur la caractérisation, les qualités des objets et des êtres. Elle peut
englober une métaphore, une métonymie, une personnification, etc.
Exemples
d’analyse d’une périphrase :
Séquence 1. l.
10. La périphrase « ce jeune ambitieux »
apporte deux caractéristiques du personnage : jeune et ambitieux.
Séquence 2.
l. 48. La périphrase « le saint ministère
des autels » qui englobe une métaphore remplace le mot
« l’église » pour apporter des connotations d’une vocation
particulière et importante que Julien aspire à choisir.
Exercice. Repérez d’autres périphrases dans
les extraits étudiés et expliquez leurs effets de style.
· Hyperbole
L’hyperbole est une figure
macrostructurale qui désigne l'ensemble des procédés d'exagération qui touchent
la syntaxe et le lexique.
Effets crées : Elle
essaie de convaincre ou faire rire. Elle peut doubler un autre écart.
Exemple
d’analyse d’une hyperbole :
Séquence 2. l.
31-32. La présence d’une hyperbole « obscurité
immense », comme d’ailleurs d’autres hyperboles dans le texte, font
allusion aux dimensions considérables des projets de Julien. Cette hyperbole
est doublée d’un symbole qui signifie l’inconnu dans l’avenir du personnage.
Exercice. Repérez d’autres hyperboles dans les
extraits étudiés et expliquez leurs effets de style.
· Euphémisme
L’euphémisme est un cas particulier de la litote qui
atténue des idées ou des sentiments désagréables, cruels, grossiers, agressifs.
Effets créés :
la mesure, le respect de la douleur.
Exemple
d’analyse d’un euphémisme:
Séquence 2.
l.4 L’euphémisme « aspect repoussant »
minore le sens du mot « la laideur » pour souligner la prépondérance
de la bonhomie de Fouqué.
Exercice. Repérez d’autres euphémismes dans
les extraits étudiés et expliquez leurs effets de style.
LE SENS de
l’extrait
1. Résumez l’histoire de
l’extrait.
2. Présentez le personnage de Julien
Sorel. Comment incarne-t-il dans cet extrait le type du personnage
ambitieux ?
3. Présentez le personnage de Fouqué.
Quelle est la finalité de sa proposition à Julien?
4. Montrez comment le récit représente le thème de la solitude.
5. En quoi consiste la symbolique
de l’extrait ?
Exercices de
lexique
1. Remplacez les mots en
italique par des synonymes :
1. Les regards du voyageur s'étendirent jusqu'aux
plaines fertiles.
2. Enfin il atteignit
le sommet de la grande montagne.
3. Il prit sa
course, et bientôt fut établi dans cette retraite.
4. Il eut l'idée
de se livrer au plaisir d'écrire ses
pensées, partout ailleurs si dangereux
pour lui.
5. Son âme s'égarait
dans la contemplation de ce qu'il s'imaginait
rencontrer un jour à Paris.
6. T'es-tu donc
brouillé avec M. de Rénal ?
7. Je gagne gros
dans mon commerce.
8. Cette offre
donna de l'humeur à Julien.
9. Fouqué avait
la plus haute idée des lumières et du caractère de Julien.
10. Quelque insensible
que l'âme de ce jeune ambitieux fût à
ce genre de beauté, il ne pouvait s'empêcher de s'arrêter de temps à autre, pour regarder un spectacle si vaste et si imposant.
2. Trouvez les antonymes des mots en italique :
des plaines fertiles ; un
aspect repoussant ; se brouiller avec qn
; des yeux brillants ; insensible ;
hypocrisie; faire du mal ; avantage.
3. Traduisez le verbe « verser » dans les
expressions suivantes :
verser du vin dans un verre; verser une pension alimentaire à son
ex-femme ; verser de l'argent sur son compte, verser le café. ; verser
des larmes ; sa voiture a versé dans le fossé ; auteur qui verse dans
la facilité.
4. Expliquez le sens des
expressions avec le mot « bois »
:
· Être du bois dont on fait les
flûtes.
·
Toucher du bois.
·
N'être pas de bois.
· Gueule de bois.
· Faire visage de bois à qqn.
· Langue de bois.
·
Ne pas être fait du même bois.
5. Employez chacun des noms
suivants dans deux phrases : dans la première au sens propre, dans la seconde tu
sens figuré :
le jour ; le rayon ; la nuit ; le nez ; le feu.
6. Traduisez les expression
avec le mot « nuit » :
безсонна ніч, ранок покаже, настала ніч, глупої ночі, з настанням ночі, не спати цілісіньку ніч, сива давнина, надобраніч!
7. Formez des substantifs :
cruel; fertile; solitaire; nu; immense; dur; se brouiller
8. Traduisez les expressions avec le mot « retraite » :
retraite aux flambeaux ; battre en
retraite, prendre sa retraite
9. Mettez les prépositions qui conviennent, s'il le
faut :
1. Il avait renoncé ... sa vocation.
2. Vous avez beau ... apprendre ce mot, vous ne
réussirez pas ... le retenir.
3. Julien se livrai t... des rêveries.
4. J'hésite... prendre cette décision.
5. Vous empêchez ... les collègues... travailler.
6. J'ai ... choisir entre ces deux esquisses.
7. Elle était en proie ... des pensées mornes.
8. Je ne m'attendais pas ... cette visite.
9. Je suis pressé ... faire ce travail urgent.
10. Est-ce que vous vous êtes brouillé ... Pierre?
10. Comment dire en français :
глибока ріка; глибока тарілка; глибока осінь ; глибокий тил; глибокий траур; глибока старість; глибоке вивчення; глибоко поважати когось; в глибині віківб в глибині душі
11. Introduisez dans des phrases les expressions et les mots
suivants :
être en proie à; faire place à; se brouiller avec qn ; verser des fonds;
prendre sa retraite; verser des larmes; une ignorance crasse ; une assiette
creuse ; se réconcilier avec qn.
12. Traduisez en français :
1. Жульєн весело продовжував свій шлях, милуючись чудовим пейзажем: направо стелилися родючі степи, обрамлені могутніми буками; наліво простягалися гірські хребти, наповнені рожевим сяйвом вечірньої заграви.
2. Переживаючи докори сумління, пані де Реналь вирішила змінити своє ставлення до Жульєна; її прихильність і доброта поступилися місцем розсудливості та холоднокровності.
3. Дорога навпростець вела до селища.
4. Хоча Жульєн був мало чутливим до жіночої краси, він мимоволі зупиняв погляд на мадам де Реналь.
5. Сховавшись як хижий птах серед голих скель, Жюльєн віддався мріям про помсту – він вирішив помститись всім цим честолюбцям.
6. Зовнішність Фуке була зовсім не привабливою : це був довготелесий, незграбний юнак з грубими рисами обличчя та довжелезним носом; але незважаючи на цей вигляд, що відштовхує, він був добрим і великодушним.
7. Пан де Реналь, присоромлений і збентежений, вимушено засміявся, бачачи Жульєна
8. Фуке вирішив, що прихід Жульєна був викликаний його суперечкою з паном де Реналем, який був відомий своїм невживчивим та впертим характером.
9. Фуке запропонував Жульєнові стати його компаньйоном. Він добре заробляв своєю торгівлею і був впевнений, що Жульєн скоро розбагатіє і зможе віддати борги.
10. Пропозиція Фуке засмутила Жульєна, оскільки вона не в’язалася з його планами, але він вирішив не обдурювати друга і сказати йому всю правду.
13. Thème
Хоч душа юного честолюбця не була чутлива до такої краси, час від часу він мимоволі зупинявся, щоб глянути на широкий і величний краєвид. Нарешті він зійшов на вершину високої гори, через яку треба було перевалити, щоб пройти навпростець у відлюдну долину, де жив його друг, молодий лісоторгівець Фуке. Жюльєн не квапився побачити Фуке - ні його, ні будь-кого з людей. Сховавшись, мов хижий птах, серед голих скель на вершині великої гори, він міг здаля побачити всякого, хто б не йшов сюди. На майже прямовисному схилі однієї скелі Жюльєн помітив невеличкий грот. Він видерся на скелю й незабаром влаштувався у гроті. […] "Чому б мені не перебути тут ніч? – подумав Жюльєн. – У мене є хліб, і я вільний". При цьому величному слові його душа запалала. Вічне лицемірство довело його до того, що він не міг відчувати себе вільним навіть з Фуке. Підперши голову руками, Жюльєн сидів у гроті, тішачись мріями й відчуттям волі, щасливий, як іще ніколи в житті.
TEXTE COMPLÉMENTAIRE
Le père et le fils
En approchant de son usine, le père Sorel appela Julien
de sa voix de stentor; personne ne répondit. Il ne vit que ses fils aînés,
espèces de géants qui, armés de lourdes haches, équarrissaient les troncs de
sapin, qu'ils allaient porter à la scie. Tout occupés à suivre exactement la
marque noire tracée sur la pièce de bois, chaque coup de leur hache en séparait
des copeaux énormes. Ils n'entendirent pas la voix de leur père. Celui-ci se
dirigea vers le hangar; en y entrant, il chercha vainement Julien à la place
qu'il aurait dû occuper, à côté de la scie. Il l'aperçut à cinq ou six pieds
plus haut, à cheval sur l'une des pièces de la toiture. Au lieu de surveiller
attentivement l'action de tout le mécanisme Julien lisait. Rien n'était plus
antipathique au vieux Sorel; il eût peut-être pardonné à Julien sa taille
mince, peu propre aux travaux de force, et si différente de celle de ses aînés;
mais cette manie de lecture lui était odieuse, il ne savait pas lire lui-même.
Ce fut en vain qu'il appela Julien deux ou trois fois.
L'attention que le jeune homme donnait à son livre, bien plus que le bruit de
la scie, l'empêcha d'entendre la terrible voix de son père. Enfin, malgré son
âge, celui-ci sauta lestement sur l'arbre soumis à l'action de la scie, et de
là sur la poutre transversale qui soutenait le toit. Un coup violent fit voler
dans le ruisseau le livre que tenait Julien; un second coup aussi violent,
donné sur la tête, en forme de calotte, lui fit perdre l'équilibre. Il allait
tomber à douze ou quinze pieds plus bas, au milieu des leviers de la machine en
action, qui l'eussent brisé, mais son père le retint de la main gauche, comme
il tombait :
– Eh bien, paresseux ! tu liras donc toujours tes maudits
livres, pendant que tu es de garde à la scie? Lis-les le soir, quand tu vas
perdre ton temps chez le curé, à la bonne heure.
Julien, quoique étourdi par la force du coup, et tout
sanglant, se rapprocha de son poste officiel, à côté de la scie. Il avait les
larmes aux yeux, moins à cause de la douleur physique que pour la perte de son
livre qu'il adorait.
"Descends, animal, que je te parle." Le bruit
de la machine empêcha encore Julien d'entendre cet ordre. Son père, qui était
descendu, ne voulant pas se donner la peine de remonter sur le mécanisme, alla
chercher une longue perche pour abattre des noix, et l'en frappa sur l'épaule.
A peine Julien fut-il à terre, que le vieux Sorel, le chassant rudement devant
lui, le poussa vers la maison. Dieu sait ce qu'il va me faire ! se disait le
jeune homme. En passant, il regarda tristement le ruisseau où était tombé son
livre; c'était celui de tous qu'il affectionnait le plus, le Mémorial de
Sainte-Hélène.
Il avait les joues pourpres et les yeux baissés. C'était
un petit jeune homme de dix-huit à dix-neuf ans, faible en apparence, avec des
traits irréguliers, mais délicats, et un nez aquilin. De grands yeux noirs,
qui, dans les moments tranquilles, annonçaient de la réflexion et du feu,
étaient animés en cet instant de l'expression de la haine la plus féroce. Des
cheveux châtain foncé, plantés fort bas, lui donnaient un petit front, et, dans
les moments de colère, un air méchant. Parmi les innombrables variétés de la
physionomie humaine, il n'en est peut-être point qui se soit distinguée par une
spécialité plus saisissante. Une taille svelte et bien prise annonçait plus de
légèreté que de vigueur. Dès sa première jeunesse, son air extrêmement pensif
et sa grande pâleur avaient donné l'idée à son père qu'il ne vivrait pas, ou
qu'il vivrait pour être une charge à sa famille. Objet des mépris de tous à la
maison, il haïssait ses frères et son père; dans les jeux du dimanche, sur la
place publique, il était toujours battu.
Il n'y avait pas un an que sa jolie figure commençait à
lui donner quelques voix amies parmi les jeunes filles. Méprisé de tout le
monde, comme un être faible, Julien avait adoré ce vieux chirurgien-major qui un
jour osa parler au maire au sujet des platanes.
Ce chirurgien payait quelquefois au père Sorel la journée
de son fils, et lui enseignait le latin et l'histoire, c'est-à-dire, ce qu'il
savait d'histoire, la campagne de 1796 en Italie. En mourant, il lui avait
légué sa croix de la Légion d'honneur, les arrérages de sa demi-solde et trente
ou quarante volumes, dont le plus précieux venait de faire le saut dans le
ruisseau public, détourné par le crédit de M. le maire.
A peine entré dans la maison, Julien se sentit l'épaule
arrêtée par la puissante main de son père; il tremblait, s'attendant à quelques
coups.
– Réponds-moi sans mentir, lui cria aux oreilles la voix
dure du vieux paysan, tandis que sa main le retournait comme la main d'un
enfant retourne un soldat de plomb. Les grands yeux noirs et remplis de larmes
de Julien se trouvèrent en face des petits yeux gris et méchants du vieux
charpentier, qui avait l'air de vouloir lire jusqu'au fond de son âme.
Brossez le
portrait de Julien tel qu’il apparaît pour la première fois dans le roman.
Confrontez-le avec celui que vous avez trouvé dans l’extrait étudié.
Bilan
La symbolique du titre du roman de Stendhal « Le
Rouge et le noir »
Le titre du
roman « Le Rouge et le noir » est fondé sur le principe de l'opposition
de deux couleurs et concentre plusieurs significations essentielles du texte.
L’interprétation
la plus courante associe le rouge à la couleur de l'uniforme de l'armée
révolutionnaire et le noir – à la couleur de la soutane ecclésiastique. On
retrouve les deux couleurs à divers moments dans le roman. Traditionnellement,
le noir est associé à la religion : l'habit que Mme de Rênal fait confectionner
pour Julien est un «habit noir» ; de
même, arrivé aux portes du séminaire, le héros doit laisser ses habits civils
chez l'hôtesse de l'hôtel des Ambassadeurs et revêtir son vêtement noir de
séminariste. Le séminaire lui-même est décrit selon les procédés du roman
gothique, comme un univers noir et terrible, gardé par un portier «vêtu de noir» ; la grande croix de
cimetière à l'entrée de la chambre de l'abbé Pirard est «en bois blanc peint en noir», et les tableaux «noircis par le temps» figurant dans la chambre ressortent
terriblement sur les murs blanchis à la chaux.
La couleur rouge est
moins présente dans le roman. Lorsque Julien pénètre dans l’église de Verrières
où, à la fin du roman, il tentera d’assassiner Madame de Rênal, celle-ci est en
effet décorée «d’étoffe cramoisie». Le rouge peut ainsi être considéré comme un présage de
mort dans le début du roman, qui se réalise finalement à la fin : c’est le sang
de Madame de Rênal que fera couler Julien. De même, à sa sortie de l’église, il
ne peut pas ne pas remarquer que le bénitier semble rouge : «C’était de l’eau bénite qu’on avait répandue : le reflet
des rideaux rouges qui couvraient les fenêtres la faisait paraître du sang.» Encore une fois, en colorant l’eau, le rouge, marque de
violence, vient corriger le noir associé à la religion et le rendre sanglant ;
la légion d’honneur épinglée sur l’habit noir de Julien à la fin du roman ne
peut ainsi amener que du sang, celui de Madame de Rênal tout d’abord, puis
celui de Julien décapité.
Le rouge peut être aussi perçu comme symbole de vie, de
force, de violence, d'anticonformisme et d'action ; et le noir – comme
symbole de nuit, de monotonie, de mélancolie, de pessimisme et de malheur.
Une des
interprétations avance que ce titre symbolise la table de jeu. Dans les jeux de
hasard on peut miser sur le rouge ou sur le noir ; la destinée serait alors un
jeu de hasard où l'on peut tomber sur une bonne ou une mauvaise carte. Une fois
une couleur amenée il n'est plus temps de revenir en arrière. Mais le jeu
comporte une direction ou un dessous des cartes qui est l'énergie. La présence,
le degré ou l'absence de l'énergie, voilà ce qui fait une destinée. «Le Rouge
et le Noir», c'est le roman de l'énergie, celle d'un jeune homme ardent,
exigeant et pauvre dans la société de la Restauration. Il a pour sous-titre : « Chronique
de 1830 », cela signifie la France, toute la France, la Province et Paris.
Julien est le délégué à l'énergie provinciale, le délégué du talent à la
carrière, des classes pauvres à la conquête du monde. L'énergie de Julien ne va
pas sans une violence de tempérament, une intensité de chauffe qui le conduit à
l'échafaud. Cette peinture, pleine, puissante, normale de l'énergie d'un homme,
d'un pays, d'une époque, compose une œuvre immense que son temps ne comprit pas
mais dont la vivante influence n'est pas encore épuisée.
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