DOSSIER 2. “Vie
des jeunes”
DOCUMENT 5.
GÉNÉRATION KANGOUROU:
20 - 30 ans et toujours chez leurs parents
Études à rallonge, parents copains, précarité et
chômage... pourquoi sont-ils si nombreux à rester lovés dans le nid familial ?
L’Express a poussé les portes
On trouve encore souvent sur leurs
étagères une peluche adorée ou une vieille maquette. Aux murs sont punaisés les
posters de leurs années lycée. Ils dorment dans leur lit d’enfant, mais ils
n’ont plus 20 ans, parfois depuis longtemps. Génération kangourou. Au chaud
chez papa-maman, à l’âge où Rimbaud avait achevé son œuvre... Selon une enquête
de l’institut Louis Harris (novembre 1997), un jeune sur deux entre 21 et 24
ans, un sur cinq entre 25 et 29 ans reste toujours scotché chez ses parents.
En
l’espace d’une génération, le calendrier d’entrée dans la vie adulte a été
totalement bouleversé. Dans les années 60 et 70, ceux qui sont aujourd’hui
parents quittaient leur famille très tôt pour conquérir sa liberté. Et très
vite on décrochait son premier job. “La contestation est le privilège d’une
société qui se porte bien. Aujourd’hui, si on claque la porte, on risque de le
payer toute sa vie”, affirme Emmanuel, 25 ans, en DEA d’économie. Les “grands
enfants” des soixante-huitards jouent donc désormais les prolongations. Ils
accumulent les diplômes, collectionnent les jobs sans lendemain, les amours à
l’essai, et restent sous le toit familial. Si confortable quand il fait froid
dehors.
Des mineurs au long cours
“C’est
un changement socio-démographique majeur”, analyse Nicolas Herpin, sociologue à
l’Insee. Une nouvelle classe d’âge est née, celle des “post-adolescents”, ainsi
que les baptise le psychanalyste Tony Anatrella. Physiquement adultes depuis
longtemps, ils flirtent et draguent depuis leurs 14 ans. Ils ont souvent
ordinateur et téléphone portable, bénéficient d’une large liberté, mais,
mineurs au long cours, ils sont tenus radicalement en marge de l’activité
économique. “Dès qu’on réussit en classe, on vous incite à faire des études
longues. On n’a pas vraiment le choix”, regrette Hervé, 25 ans, en DESS
d’automatique, qui aurait préféré prendre son indépendance dès 18 ans, “un âge
où l’on est toujours à fait prêt à s’assumer”, affirme-t-il..
Las!
Depuis les années 70, l’âge moyen de fin d’études a progressé de cinq ans. Les
parcours scolaires n’en finissent plus de zigzaguer. Luc, peu motivé par son
BTS, s’inscrit, lui, en néerlandais à la fac, puis se lance dans une licence
d’échanges culturels, après avoir tenté en vain de se spécialiser dans le
multimédia. “C’est la génération Passe ton DEA d’abord!” ironise le sociologue
Bernard Préel, directeur adjoint de la société d’études Bipe Conseil. La
plupart des parents sont largués dans le labyrinthe éducatif. Mais ils sont
prêts à tout pour soutenir leur progéniture. Car, sans diplôme — ils le savent
bien — ce sera la galère assurée.
De fait,
les emplois stables à temps complet sont devenus une denrée rare pour les
débutants. En 1991, un sur deux en décrochait un au sortir de l’école. En 1995,
ils ne sont plus qu’un tiers à se casser aussi facilement. Et les heureux élus
sont souvent payés au lance-pierre. En 1984, le niveau de vie moyen des moins
de 30 ans était de 20 % inférieur à celui des quinquagénaires. Aujourd’hui,
l’écart s’est fortement creusé. En moyenne, les jeunes gagnent moitié moins que
leurs parents.[...]
A “l’hôtel” familial
Mais
l’allongement des études et la précarité économique ne suffisent pas à
expliquer cette cohabitation prolongée des jeunes et de leurs parents. “Ils
restent parce que la famille s’est complètement transformée depuis vingt ans.
Il y a eu une totale libération des mœurs”, analyse le sociologue Olivier
Galland. La génération 68 s’était affirmée en s’opposant à l’ordre établi,
en jetant aux orties les principes de ses
parents, décidément vieux jeu. Aujourd’hui, installée dans la vie, pourvue
d’emplois rémunérateurs, elle abrite ses propres enfants sans interdits moraux,
petit ami à demeure si nécessaire, en toute permissivité.
Des
parents copains qui paient sans juger, qui protègent sans brider, pourquoi les
quitter ? “C’est pratique. On mange bien. On n’est pas seul. Il n’y pas de
factures. Avoir pu rester aussi longtemps, pour moi, c’est une chance”,
reconnait Céline, 28 ans, cadre commercial depuis huit mois, qui, grâce à
l’hôtel familial, a pu se payer deux séjours longue durée à New York et
Jérusalem.
Jouir du moment présent
La
plupart des 20-30 ans, comme elle, s’offrent le superflu à coups de petits
boulots: sorties, fringues, cigarettes, musique, voyages... “Si elle n’imagine
plus son futur, cette jeunesse entend au moins jouir du moment présent”, note
Bernard Préel.
Car, si
on a parfois l’impression que les jeunes s’incrustent, pères et mères, le plus
souvent, ne font rien pour les pousser dehors. Au contraire. ”Le jour où je
partirai, mes parents seront tristes. On met de la vie, de l’animation dans la
maison”, dit Nathalie. Garder longtemps les enfants à la maison, n’est-ce pas
aussi pour les parents une manière de retenir leur jeunesse ? De lutter contre
le temps qui file ? Bref, une forme d’égoïsme pour une génération de
quinquagénaires qui n’a jamais connu la dureté du monde: ni guerre ni crise
économique ne l’ont affecté.
Un monde complexe
Au-delà
de cet éclairage générationnel, il y a la réalité de l’époque. Les conditions
de vie. Pourquoi partir quand tout vous retient ? “Les cohabitations de longue
durée permettent aux jeunes de trouver peu à peu leur voie dans un monde de
plus en plus complexe. En les hébergeant, les parents leurs offrent la
possibilité de tracer lentement leur chemin personnel, en tâtonnant, en
expérimentant”, analyse Pierre Martinot Lagarde.
Cette
situation nouvelle dans la relation enfant-parent est, sans doute, d’abord une
contrainte — l’effet d’une réalité économique et sociale nouvelle. D’après le
sondage Louis Harris, s’ils avaient le choix — entendons les moyens de leur
indépendance — neuf jeunes sur dix quitteraient tout de suite le foyer
familial...
Agnès Baumier et Marie-Laure de Léotard
L’Express 8/1/98
EXERCICES DE LEXIQUE
1. D’après le contexte, expliquez les expressions:
·rester
scotché chez ses parents
·décrocher
son premier job
·claquer
la porte
·être
payé au lance-pierre
·la
précarité économique
·jeter
aux orties
2. Que
désignent les sigles DEA, DESS, BTS ?
3. Trouvez dans le texte les mots et les expressions qui
reprennent le terme “génération
kangourou P.ex. Þ les “post-adolescents” - les mineurs au long
cours - les “grands enfants” des soixante-huitards ....
4. Les mots draguer,
la galère, se casser, les fringues appartiennent au registre familier de langue. Trouvez-en d’autres dans le texte et
donnez des synonymes au registre courant.
5.
Retrouvez dans le texte le champ sémantique du mot “LONG”.
COMPRÉHENSION
1. Quel phénomène social a inspiré le thème de cet
article ? Comment est-il représenté dans les indices extérieurs du texte ?
2. Que veut dire l’expression “l’hôtel familial”? Pourquoi l’auteur l’emploie-t-il ?
3. Notez le numéro du paragraphe consacré à chaque
cause qui explique cette situation:
·
études
à rallonge
·
libération
des mœurs
·
chômage,
précarité
4. Quelle est l’attitude des parents envers la
cohabitation prolongée? et les jeunes ?
5. D’après le texte, dites qui sont les
soixante-huitards (ou la génération 68) ? En quoi sont-ils différents des
jeunes d’aujourd’hui? Pourquoi ?
DE
LA COMPRÉHENSION A L’EXPRESSION
1. Les jeunes Ukrainiens quittent-ils tôt leurs
parents? Peut-on parler de la “génération kangourou” en Ukraine?
2.
Citez les avantages et les inconvénients de la cohabitation prolongée pour
les jeunes en Ukraine.
3.Quels
problèmes dans les relations parents-enfants apparaissent quand les jeunes
restent longtemps chez leurs parents ?
|
fiche culture
RELATIONS PARENTS-ENFANTS
Les indicateurs concernant la famille sont en rouge...
Statistiquement, la famille ne
ressemble plus guère au modèle traditionnel. Le nombre de mariages a diminué
de plus d’un tiers depuis 1975, au profit de l’union libre ou du célibat.
Dans le même temps, le nombre de divorces a doublé. La natalité a atteint en
1993 le niveau le plus bas du siècle en temps de paix. Les familles
monoparentales et complexes se sont multipliées.
... mais la famille reste la valeur essentielle.
Malgré la mutation qui s’est
produite au cours des dernières décennies, la famille reste une valeur sure
pour les Français de tout âge. Elle est le lieu où s’effectue la transmission
de la vie. Elle est celui de l’amour et de la tendresse, au sein du couple
comme entre les parents et les enfants. Elle est aussi le centre de la
solidarité entre les générations. Dans une société sans repères, elle est le
creuset où se transmettent les valeurs et où se forgent celles de l’avenir.
C’est pourquoi la famille n’est pas menacée, mais plébiscitée par les
Français. Mais elle est aussi vécue et pensée différemment.
|
CORRIGé
LEXIQUE
Fiche vocabulaire 1.5.
Mot,
expression
|
Traduction
|
Explication
|
Synonymes
|
Exemples d’emploi
|
Remarques
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|
rallonge
n. m.
|
вставка, додаток
|
Ce qu'on ajoute à une
chose pour la rallonger.
|
allonge
|
Table à rallonges (розсувний стіл).
|
|
|
se lover
|
згортатися в клубок
|
S'enrouler sur soi-même.
|
|
Se lover sur un divan, s'y pelotonner.
|
|
|
punaiser
|
приколоти кнопками
|
Fixer avec des punaises.
|
|
Punaiser des cartes postales au mur.
|
|
|
scotcher
|
приліплювати
|
Anglic. Coller avec du ruban adhésif.
|
|
Rester
scotché chez ses parents : ne pas partir, vivre toujours avec
|
||
décrocher
|
дістати, ухопити
|
Fig. et fam. Obtenir.
|
|
Décrocher
son premier job : obtenir son premier emploi.
|
||
contestation n. f.
|
спір, заперечення
|
Vive opposition.
|
dispute, querelle
|
Entrer en contestation avec qqn
|
|
|
claquer
la porte
|
гримнути дверима
|
Partir en manifestant la
rupture.
|
|
|
|
|
draguer
|
загравати з
|
Fam. Faire la cour à qqn.
|
|
Il commence à draguer ma femme.
|
|
|
en marge de
|
поза чимсь, за бортом
|
Еn dehors de, mais qui se
rapporte à.
|
|
Vivre en marge: sans se mêler à la société ou sans y être accepté.
|
|
|
s’assumer
|
бути в згоді з самим
собою, відповідати за себе
|
S'accepter, se prendre en
charge.
|
|
« Nous ne sommes nous qu'aux yeux des autres,
et c'est à partir du regard des autres que nous nous assumons comme
nous » (Sartre).
|
|
|
licence n. f.
|
Mod. Grade de l'enseignement supérieur français, première année du deuxième
cycle.
|
diplôme
|
Licence en droit, licence ès lettres. Licence
d'anglais.
Terminer, obtenir sa licence.
|
Voir DALf p. 97
|
||
être largué
|
перестати розумітися на
чомусь
|
Ne pas parvenir à suivre,
ne plus comprendre.
|
|
Dès le troisième cours, j'ai été largué.
|
|
|
progéniture
n. f.
|
потомство (про дітей)
|
Plaisant. La famille, les enfants.
|
Promener sa progéniture.
|
|
||
galère n. f.
|
безвихідь, глухий кут
|
Fig. et fam. Travail pénible, situation difficile.
|
|
Quelle galère!
galérer : Vivre de travaux épisodiques et peu rémunérateurs.
|
||
denrée n. f. rare
|
раритет, дефіцит
|
Fig. Une chose, une qualité précieuse qui se rencontre rarement.
|
rareté
|
|
|
|
se caser
|
пристроїтися
|
- Fam. Se placer.
- Fig. Se marier.
|
|
J'ai pu me caser au dernier rang. Il cherche à se
caser.
|
|
|
avec un lance-pierre
|
небагацько
|
Loc. fam. insuffisamment.
|
Etre
payé au lance-pierre : toucher une somme médiocre.
|
|||
quinquagénaire n. m, f.
|
п’ятидесятилітній
|
Qui a entre cinquante et
cinquante-neuf ans.
|
|
|
|
|
précarité
n. f.
|
нетривкість, ненадійність
|
Littér. Caractère ou état de ce qui est précaire.
|
fragilité, instabilité
|
La
précarité économique : l’absence d’un emploi stable et bien payé.
|
||
Jeter
aux orties
|
відкидати, відмітати,
не визнавати
|
Abandonner, rejeter comme
encombrant ou inutile.
|
|
|
ortie n.f. - кропива
|
|
vieux jeu
n. m.
|
допотопний, віджилий
|
Рeu en accord avec la
mode, le goût du jour.
|
démodé
|
Elle est, elles sont vieux jeu. C'est vieux jeu.
|
|
|
rémunateur (adj.)
|
добре оплачуваний
|
Qui paie bien, procure des
bénéfices.
|
lucratif,
fam. juteux
|
Activité rémunératrice.
|
|
|
brider
|
зв’язувати, стримувати
|
Littér. Contenir dans son action, gêner dans son développement (un sentiment,
etc.).
|
freiner, réprimer
|
|
Contr. libérer
|
|
fringues n. f., pl.
|
манаття
|
Fam. Vêtements.
|
frusques
|
S'acheter des fringues.
|
|
|
s’incruster chez qqn
|
приживатися, вкорінюватися
|
Ne plus en déloger.
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s'enraciner
|
Cela fait trois heures qu'il est là, il s'incruste!
|
|
|
Se faire une idée Net
EXERCICES
1. Reformulation → voir Fiche vocabulaire.
2.
Abréviations → voir
Glossaire.
3.
Reprises :
génération
kangourou = les
“post-adolescents” = les mineurs au long cours = les “grands enfants” des
soixante-huitards = les 20-30 ans = les jeunes = adultes depuis longtemps = la
génération « Passe ton DEA
d’abord !» = la progéniture = les moins de 30 ans = cette jeunesse
4. Registre
familier → voir Fiche
vocabulaire.
5. LONG : long, prolongations,
prolongée, rallonge, longtemps, longue
¨COMPREHENSION
Question 1. Thème : « L’accroissement de la
cohabitation prolongée de grands enfants avec leurs
parents ».
Titre :
Génération kangourou - allusion à la femelle du kangourou qui abrite
ses petits dans sa poche ventrale.
20 – 30 ans et toujours chez
leurs parents - enfants adultes
Sous-titre :
Études à rallonge, parents copains, précarité et chômage... pourquoi
sont-ils si nombreux à rester lovés dans le nid
familial ?
Question 2.
Hôtel familial = hôtel (établissement où on loge et
où l'on trouve toutes les commodités du service) + famille (personnes apparentées vivant sous le même
toit)
Question 3.
· études à rallonge - § 4 (Las! Depuis les années
70...)
· libération des mœurs - § 6 (Mais l’allongement des
études...)
· chômage, précarité - § 10 (La plupart des 20-30 ans...)
Question 4.
Parents : Ils acceptent cette situation bon gré mal gré, la justifient avec
la présence des jeunes à la maison qui rend la vie plus animée (« une
forme d’égoïsme pour une génération de quinquagénaires qui n’a jamais connu la
dureté du monde ») etc. Mais en général ils « ne font rien pour les
pousser dehors ».
Jeunes : Pour eux c’est pratique (“On mange bien. On n’est pas seul. Il n’y
pas de factures... »), parfois ils abusent même de cette situation
(« s’offrent le superflu... »). Mais « s’ils avaient le choix —
entendons les moyens de leur indépendance — neuf jeunes sur dix quitteraient
tout de suite le foyer familial... »
Question 5.
Soixante-huitards : « Dans les années 60 et 70, ceux qui
sont aujourd’hui parents quittaient leur famille très tôt pour conquérir sa
liberté. Et très vite on décrochait son premier job. »
« La génération 68 s’était affirmée en s’opposant à l’ordre établi,
en jetant aux orties les principes de
ses parents ».
Génération contemporaine : « Les “grands
enfants” des soixante-huitards jouent donc désormais les prolongations. Ils
accumulent les diplômes, collectionnent les jobs sans lendemain, les amours à
l’essai, et restent sous le toit familial. »
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