Manuel pour les étudiants de la IVe année Dossier 7.

Littérature française du XXe siècle = Французька література ХХ століття: У 2 ч. / Укл. Г.Ф. Драненко, О.О. Матвєєва. – Чернівці: Рута, 2007. – Частина 2. – 88 с.

DOSSIER 7.  MARCEL AYMÉ (1902-1967)


1. Sa vie et son œuvre
Marcel Aymé naît à Joigny en mars 1902, le plus jeune de six enfants. Il connaîtra à peine sa mère, morte deux ans plus tard, et son maréchal-ferrant de père qui met ses aînés en pension et confie les cadets aux grands-parents maternels. Marcel grandit donc à Villers-Robert, un village que l'on retrouvera décrit dans La Jument Verte. Il est placé comme pensionnaire au Collège de Dôle, réussit le concours des bourses en 1912 - et le regrettera vite car, à chaque mauvaise note, il se voit reprocher de gaspiller l'argent de l'état... Élève assez médiocre, il aime mieux lire qu'étudier.
En 1918, il obtient toutefois son baccalauréat de mathématiques élémentaires et une bourse d'internat qui lui permet d'entrer, en 1919 au lycée de Besançon, dans la classe préparatoire de mathématiques spéciales. Il pense pouvoir devenir ingénieur. C'est alors qu'une grave maladie l'oblige à abandonner ses études. Quand il est de nouveau sur pied, il doit accomplir son service militaire: on l'envoie en Allemagne occupée (1922-1923). Libéré, il vient à Paris.
Il s'essaie à divers métiers: employé de banque, agent d'assurance, journaliste (mauvais, précise-t-il) et se met à écrire son premier roman en 1925: ce sera Brûlebois qui est publié aux Cahiers de France en 1926. Gallimard édite son deuxième roman l'année suivante et, dès lors, Marcel Aymé écrira presque un livre par an. A partir de 1930, il cesse de considérer la littérature comme un passe-temps. Elle devient un métier. Et c'est un métier qui devient rentable dès 1933 où La Jument verte, saluée comme un ouvrage licencieux, obtient de beaux tirages. La même année d'ailleurs, Marcel Aymé commence à travailler pour le cinéma. Marié et devenu père de famille après la naissance d'une fille, il ne déteste pas du tout les "commandes". Il songeait aussi au théâtre et c'est dès avant-guerre qu'il écrivit Vogue la galère qui ne sera jouée qu'en 1947.
Pendant l'Occupation, il continuera de travailler pour le cinéma. Il fit notamment équipe avec un réalisateur d'extrême gauche, Louis Daquin, pour deux films qui remportèrent un grand succès: Nous les gosses et Le Voyageur de la Toussaint (d'après Simenon). Dans le même temps, il n'hésite pas à donner des nouvelles et des romans aux journaux de la "Collaboration", mais on ne trouve dans ses textes nulle trace d'un engagement politique quelconque; si bien qu'il ne figurera sur aucune liste noire à la Libération et les épurateurs ne l'inquiéteront pas. C'est l'inverse qui se produit plutôt: il fait campagne pour obtenir la grâce de Robert Brasillach que de Gaulle laissera fusiller.
A partir des représentations de Vogue la galère, Marcel Aymé entreprend une carrière théâtrale et il obtient de francs succès avec Lucienne et le boucher (1947), Clérambard (1950), La Tête des autres (1952). Entre-temps, il fut invité aux États-Unis. Le genre de vie américain ne lui plut pas et devait lui inspirer deux pièces: La Mouche bleue (1957) et Louisiane (1961) qui ne comptent pas parmi ses chefs-d'œuvre.
Marcel Aymé fit un retour au roman avec Les Tiroirs de l'inconnu (1960), mais ses dernières œuvres furent des pièces de théâtre. La dernière, La Convention Belzébir, fut créée quelques mois seulement avant sa mort prématurée. Marcel Aymé a connu de grands succès commerciaux. Il était un écrivain très connu et possédait même sa légende: homme taciturne abrité derrière des lunettes noires, paysan du village de Montmartre (il habitait rue Paul-Féval). Mais on le considérait plutôt comme un auteur divertissant que comme un grand écrivain.
Or son œuvre s'affirme comme une des plus neuves, des plus fortes et probablement des plus durables de notre époque. Elle est très variée, tantôt d'inspiration réaliste, tantôt d'inspiration satirique et tantôt d'inspiration fantastique. Mais il passe parfois d'un registre à l'autre dans le même ouvrage en maintenant une unité de ton. Il est bon peintre de la campagne, des petites villes et de la capitale. Parmi ses romans campagnards, on citera La Table aux crevés (1929) et La Vouivre (1943). Parmi les romans de la province, Le Moulin de la sourdine (1936). Parmi les œuvres parisiennes, Le Bœuf clandestin (1939) et Travelingue (1941). Ce dernier roman est le premier volet d'une trilogie d'histoire contemporaine, dont le deuxième volet s'appelle Le Chemin des écoliers (1946) et se situe pendant l'Occupation, et dont le troisième volet, Uranus (1948), décrit les lendemains de la Libération.
Les recueils de nouvelles d'Aymé sont tous de premier ordre, tels Le Passe-muraille (1943) et Le vin de Paris (1947). Et il faut mettre hors de pair Les Contes du chat perché qui commencèrent de paraître en 1934 sous forme d'albums pour enfants. Ils firent tout de suite les délices des parents. Bon observateur des mœurs, Marcel Aymé est un ami de la fantaisie qui nous délivre de la pesanteur du quotidien. Il ne nous donne aucune leçon, ne nous adresse aucun message et on lui a cherché une mauvaise querelle en lui attribuant les pensées d'un des personnages du Confort intellectuel (1949) où il se plaçait dans une pure tradition moliéresque. De même, dans La Tête des autres, qui déclencha un scandale, il ne cherchait pas à prouver quoi que ce soit: il mettait en lumière certains aspects du monde contemporain. Il s'est toujours voulu absent de son œuvre, mais y est toujours présent par son style inimitable.

2. Marcel Aymé – nouvelliste

Avec le temps, les nouvelles de Marcel Aymé se bonifient. Elles mûrissent. Leur dimension littéraire n’en est que plus flagrante. Pourtant, le romancier de La Jument Verte n’est encore aujourd’hui qu’un exquis conteur un rien désuet, qui sut si bien faire parler les animaux; un chantre de la campagne franc-comtoise (La table aux crevés, la Vouivre); un boulevardier amusant (Clérambard), parfois canaille, volontiers provocateur, partisan d’un art léger et sans grande envergure.
En résumé, une avalanche de cliché sur lesquels il vaut mieux glisser plutôt que de s’y perdre, car on finira bien par se rendre compte que cet auteur dépasse de cent coudées tant d’écrivains mineurs qui eurent pignon sur rue dans la république des lettres de l’après-guerre, alors que l’impavide Marcel arpentait, les yeux mi-clos, les ruelles de Montmartre. Il n’était d’aucune chapelle, d’aucun clan. Il lançait volontiers des pétards dans la mêlée, "pour voir". Par simple plaisir. Hélas, les exégètes n’aiment pas les provocateurs, surtout lorsqu’ils ont du talent: on ne sait jamais où les caser.
N’en déplaisent aux fâcheux, des figures comme Garou le "Passe-muraille", Léopold, le cafetier d’Uranus, ou Sabine, cette femme qui se dédouble à l’infini, marquent l’imaginaire collectif avec bien plus de force que les mornes équipées de quelque célibataire parisien.
Depuis "Au clair de la Lune", l’histoire d’une fée qui se réveille après neuf cents ans de sommeil, en plein vingtième siècle pour affronter un gendarme circonspect et un fou du volant (extrait du Puits aux images, 1932) à "La Fabrique", la mort très onirique d’un petit garçon dans une usine, en passant par les célèbres "Bottes de sept lieues" (1943) ou "Les Chiens de notre vie" (1951), on a le sentiment que ces nouvelles furent écrites d’une seule traite, d’un même élan. Rien ne semble les séparer, les désunir. Aucun écart de style, pas une formule déplacée. Le style est immuable: nerveux, cynique, acéré, pointu, nostalgique et toujours tendre.
L’art de Marcel Aymé est donc parfaitement intemporel et ses préoccupations (la souffrance, l’amitié, le regard des autres, l’imagination galopante) sont toujours les nôtres. Un classique, en somme.

 

Étude de la nouvelle

LE PROVERBE  (1943)

Dans la lumière de la suspension qui éclairait la cuisine, M. Jacotin voyait d'ensemble la famille courbée sur la pâture et témoignant, par des regards obliques, qu'elle redoutait l'humeur du maître.
Ayant appris dans l'après-midi qu'il était proposé pour les palmes académiques, il se réservait d'en informer les siens à la fin du dîner. Après avoir bu un verre de vin sur sa dernière bouchée de fromage, il se disposait à prendre la parole, mais il lui sembla que l'ambiance n'était pas telle qu'il l'avait souhaitée pour accueillir l'heureuse nouvelle. Son regard s'abaissa sur son fils Lucien, un garçon de treize ans qui, depuis le début du repas, s'efforçait de passer inaperçu. Le père entrevit quel­que chose de louche dans la pâleur du petit visage.
— Je te soupçonne de n'avoir pas la conscience bien tranquille. Lucien protesta d'un regard effrayé.
— Je te demande si tu as fait tes devoirs pour demain. Lucien comprit qu'il ne gagnerait rien à faire traîner les choses et se jeta à l'eau.
— Je n'ai pas fait mon devoir de français.
Une lueur de gratitude passa dans les yeux du père. Il y avait plaisir à entreprendre ce gamin-là.
— Pourquoi, s'il te plaît ?
Lucien leva les épaules en signe d'espérance et même d'étonnement, comme si la question était saugrenue.
   Je le moudrais, murmura le père en le dévorant du regard.
— C'est donc bien ce que je pensais, dit-il, et sa voix se mit à monter avec le ton du discours. Non seulement tu continues, mais tu persévères. Voilà un devoir de français que le professeur t'a donné vendredi dernier pour demain. Tu avais donc huit jours pour le faire et tu n'en as pas trouvé le moyen. Et si je n'en avais pas parlé, tu allais en classe sans l'avoir fait. Mais le plus fort, c'est que tu auras passé tout ton jeudi à flâner et à paresser. Et avec qui ? avec un Pichon, un Fourmont, un Chapusot, tous les derniers, tous les cancres de la classe. Les cancres dans ton genre. Qui se ressemble s'assemble. Bien sûr que l'idée ne te viendrait pas de t'amuser avec Beruchard. Tu te croirais déshonoré d'aller jouer avec un bon élève. Et d'abord, Béruchard n'accepterait pas, lui. Il travaille, Béruchard. La conséquence, c'est qu’il est toujours dans les premiers. Pas plus tard que la semaine dernière, il était trois places devant toi. Tu peux compter que c'est une chose agréable pour moi qui suis toute la journée au bureau avec son père. Un homme pour­tant moins bien noté  que moi. Qu'est-ce que c'est que Béruchard ? je parle du père. C'est l'homme travailleur, si on veut; mais qui manque de capacités. Et sur les idées politiques, c’est bien pareil que sur la besogne. Il n'a jamais eu de conceptions. Et Béruchard, il le sait bien. Quand on discute des choses et d’autres, devant moi, il n'en mène pas large. N’empêche, s’il vient à me parler de son gamin qui est toujours premier en classe, c'est lui qui prend le dessus quand même. Je me trouve par le fait dans une position vicieuse. Je n'ai pas la chance, moi, d’avoir un fils comme Béruchard. Un fils premier en français, premier en calcul. Un fils qui rafle tous les prix. Lucien, laisse-moi ce rond de serviette tranquille. Paresseux, voyou, incapable! Un devoir de français donné depuis huit jours! Quand j'aurai l'âge de m'arrêter, personne pour me donner de quoi vivre. Il vaut mieux compter sur soi que sur les autres. Un sou, je ne l'ai jamais demandé. Moi, pour m'en tirer, je n'ai jamais été chercher le voisin. Et je n'ai jamais été aidé par les miens. Mais, toi, tu te prélasses. Tu as la chance d'avoir un père qui soit trop bon. Et veux-tu me dire ce que c'est que ce devoir?
— C'est  une  explication,  dit  Lucien.   Il   faut  expliquer  le  proverbe: «Rien ne sert de courir, il faut partir à point ».
— Et alors? Je ne vois pas ce qui t'arrête là-dedans.
 Lucien opina d'un hochement de tête, mais son visage était réticent.
Il alla prendre sa serviette de classe qui gisait dans un coin de la cuisine, en sortit un cahier de brouillon et écrivit au haut d'une page blanche: « Rien ne sert à courir, il faut partir à point ». Si lentement qu'il écrit, cela ne demande pas cinq minutes. Il se mit alors à sucer son porte-plume et considéra le proverbe d'un air hostile et buté.
— Je vois que tu y mets de la mauvaise volonté, dit le père. A ton aise. Moi, je ne suis pas pressé. J'attendrai toute la nuit s'il le faut.
Lucien essaya de méditer sur son proverbe. Pour lui, il y avait là une évidence ne requérant aucune démonstration, et il songeait avec dégoût à la fable de La Fontaine: Le Lièvre et la Tortue.
Une larme tomba sur le cahier de brouillon, auprès du proverbe. Ému, le père fit le tour de la table en traînant une chaise et vint s'asseoir à côté de l'enfant.
— Je vois bien que si je ne mets pas la main à la pâte, on sera encore là à quatre heures du matin. Allons, au travail.
Tout à l’heure, le sujet de ce devoir de français lui avait paru presque ridicule à force d'être facile. Maintenant qu’il en avait assumé la respon­sabilité, il le voyait d'un autre œil. La mine soucieuse, il relut plusieurs fois le proverbe et murmura:
   C'est un proverbe.
   Oui, approuva Lucien qui attendait la suite avec une assurance nouvelle.
Tant de paisible confiance troubla le cœur de M. Jacotin. L'idée que son prestige de père était en jeu le rendit nerveux.
— En vous donnant ce devoir-là, demanda-t-il, le maître ne vous a rien dit?
— Il nous a dit: surtout, évitez de résumer Le Lièvre et la Tortue. C'est à vous de trouver un exemple.
— Tiens, c'est vrai, fit le père. Le Lièvre et la Tortue, c'est un bon exemple. Je n'y avais pas pensé.
— Oui, mais c'est défendu.
— Défendu, bien sûr défendu. Mais alors, si tout est défendu...
 Le visage un peu congestionné, M. Jacotin chercha une idée ou au moins une phrase qui fût un départ. Peu à peu, son regard prenait la même expression d'ennui qu'avait eu tout à l'heure celui de Lucien. Alors qu'il n'espérait plus et se préparait à confesser son impuissance il lui vint une idée. Il s'agissait d'une compétition sportive, à laquelle se préparaient deux équipes de rameurs, l'une méthodiquement, l'autre avec une affectation de négligence.
— Allons, commanda M. Jacotin, écris.
— Par ce splendide après-midi d'un dimanche d'été, virgule, quels sont donc ces jolis objets verts à la forme allongée, virgule, qui frappent nos regards ? On dirait de loin qu'ils sont munis de longs bras, mais ces bras ne sont autre chose que des rames et les objets verts sont en réalité deux canots de course qui se balancent mollement au gré des flots de la Marne.
Lucien, pris d'une vague anxiété, osa lever la tête et eut un regard un peu effaré. Mais son père ne le voyait pas, trop occupé à polir une phrase de transition qui allait lui permettre de présenter les équipes rivales. La bouche entrouverte, les yeux mi-clos, il surveillait ses rameurs et les rassemblait dans le champ de sa pensée. A tâtons, il avança la main vers le porte-plume de son fils.
— Donne. Je vais écrire moi-même.
Fiévreux, il se mit à écrire d'une plume abondante. Les idées et les mots lui venaient facilement dans un ordre commode et pourtant exaltant qui l'inclinait au lyrisme. Il se sentait riche, maître d'un domaine magnifique et fleuri. A onze heures le père réveilla Lucien et lui tendit le cahier.
Une semaine plus tard, le professeur rendait la copie corrigée.
— Dans l'ensemble, dit-il, je suis loin d'être satisfait. Si j'excepte Béruchard à qui j'ai donné treize, et cinq ou six autres tout juste passa­bles, vous n'avez pas compris le devoir.
Il expliqua ce qu'il aurait fallu faire, puis dans le tas des copies an­notées à l'encre rouge, il en choisit trois qu'il se mit à commenter. La première était celle de Béruchard, dont il parla en termes élogieux. La troisième était celle de Lucien.
— En vous lisant, Jacotin, j'ai été surpris par une façon d'écrire à laquelle vous ne m'avez pas habitué et qui m'a paru si déplaisante que je n'ai pas hésité à vous coller un trois. Vous avez trouvé le moyen de remplir six pages en restant constamment en dehors du sujet. Mais le plus insupportable est ce ton endimanché que vous avez cru devoir adopter.
Le professeur parla encore longuement du devoir de Lucien, qu'il proposa aux autres élèves comme le modèle de ce qu'il ne fallait pas faire. Il en lut à haute voix quelques passages qui lui semblaient particulièrement édifiants. Dans la classe, il y eut des sourires, des gloussements et même quelques rires soutenus. Lucien était très pâle. Blessé dans son amour-propre, il l'était aussi dans ses sentiments de piété filiale.
Pourtant il en voulait à son père de l'avoir mis en situation de se fai­re moquer par ses camarades.
Au retour de l'école, à midi, Lucien songeait avec rancune à ce mouvement de confiance pour ainsi dire religieuse qui avait parlé plus haut que l'évidence. Et Béruchard qui avait eu treize. Le père aurait du mal à s'en remettre. Ça lui apprendrait.
A table, M. Jacotin se montra enjoué et presque gracieux. Une allégresse un peu fiévreuse animait son regard et ses propos. Il eut la coquetterie de ne pas poser dès l'abord la question qui lui brûlait les lèvres et que son fils attendait.
— Au fait, dit-il avec brusquerie. Et le proverbe?
Sa voix trahissait une émotion qui ressemblait plus à de l'inquiétude qu'à de l'impatience. Lucien sentit qu'en cet instant il pouvait faire le malheur de son père. Il comprenait que, depuis de longues années, le pauvre homme vivait sur le sentiment de son infaillibilité de chef de famille et, qu'en expliquant le proverbe, il avait engagé le prin­cipe de son infaillibilité dans une aventure dangereuse. Non seulement le tyran domestique allait perdre la face devant les siens, mais il per­drait du même coup la considération qu'il avait pour sa propre person­ne. Ce serait un effondrement. Lucien fut effrayé par la faiblesse du père et son cœur s'attendrit d'un sentiment de pitié généreuse.
— Tu es dans la lune? Je te demande si le professeur a rendu mon devoir? dit M. Jacotin.
— Ton devoir? Oui, on l'a rendu.
   Et quelle note avons-nous eue ?
   Treize.
— Pas mal. Et Béruchard ?
— Treize.
— Et la meilleure note était ?
— Treize.
Le visage du père s'était illuminé.
— Vois-tu, mon cher enfant, quand on entreprend un travail, le tout est d'abord d'y bien réfléchir. Comprendre un travail, c'est l'avoir fait plus qu'aux trois quarts. Voilà justement ce que je voudrais te faire entrer dans la tête une bonne fois. Et j'y arriverai. J'y mettrai tout le temps nécessaire. Du reste, à partir de maintenant et désormais, tous tes devoirs de français, nous les ferons ensemble.
nouvelle tirée du recueil de M. Aymé Le Passe-muraille

Vocabulaire

1. Remplissez la grille de vocabulaire (Voir p.15) avec les mots:
pâture n. f. ; redouter ; maître, maîtresse ; palmes académiques ; se réserver ; se disposer à ; entrevoir ; louche ; conscience n. f. ; effrayé ; se jeter à l'eau ; entreprendre (qqn) ; saugrenu ; moudre ; dévorer des yeux ; persévérer ; flâner ; paresser ; cancre n. m. ; Qui se ressemble s'assemble ; conception n.f. ; ne pas en mener large ; dessus n.m. ; vicieux ; rafler ; se prélasser ; opiner ; réticent ; buté ; de mauvaise volonté ; requérant ; mettre la main à la pâte ; assumer ; responsabilité n.f. ; assurance n.f. ; prestige n. m. ; congestionné ; confesser ; affectation n. f. ; anxiété n. f. ; abondant ; noter ; annoter ; élogieux ; coller V. tr. ; endimanché ; édifiant ; gloussement n. m. ; soutenu ; rancune n. f. ; enjoué ; gracieux ; allégresse n. f.  ; infaillibilité n. f. ; effondrement n.m.

2. Étude des mots et des expressions

1. Faites attention à l'emploi du verbe venir devant un infinitif pré­cédé de la préposition à.
Venir à marque un fait accidentel, inattendu ou qu'on envisage: Si le secret venait à être découvert. Je vins tout à coup à me le rappeler. Nous vînmes à parler de telle chose. Un homme vint à passer.

2. Retenez que le verbe défendre de se construit avec un infinitif, sans négation: II lui défendit de s'éloigner.
Avec défendre que, la phrase se construit également sans ne et le verbe se met au subjonctif: Il défendit qu’aucun étranger entrât dans la ville.

3. Apprenez le sens de la construction s'en remettre à qn qui veut dire « s’en rapporter à lui »: Je m’en remets à vous. Il s’en est remis à lui du soin de tous ces détails.

4. Le substantif modèle est du masculin: un modèle d’écriture.

5. Apprenez les verbes qui s'emploient avec le mot prix m: proposer, fonder,   disputer un prix; concourir pour un prix; mériter, remporter, obtenir le prix; décerner, donner, adjuger le prix; distribuer des prix.

6. Le verbe opiner signifie « dire son avis sur un sujet de délibéra­tion ». On dit également opiner de la tête et opiner du chef: M. Chasle, debout, opinait du chef. (Martin du Gard)
L'expression opiner du bonnet veut dire « être toujours de l'avis des autres » (comme le faisaient jadis, dans une délibération, certains juges qui se contentaient de lever leur bonnet en signe d'assentiment à l'avis de la majorité): C'est une personne très bornée, elle opine toujours du bonnet.

7. On emploie avec le mot responsabilité f  les verbes: assumer, décliner, endosser, prendre, rejeter.

8. Répétez l'emploi de la préposition en dans l'expression citer qn ou qch en exemple: Avec l'apparence de la condescendance la plus parfaite, et d'une abnégation de volonté, que les maris de Verrières citaient en exemple à leurs femmes, et qui faisait l'orgueil de M. Rénal, la conduite habituelle de son âme était en effet le résultat de l'humeur la plus altière (Stendhal).

Exercices de lexique

1. Dites en d'autres termes les mots en italique:
1. M. Jacotin voyait d'ensemble la famille courbée sur la pâture. 2. Lucien... se jeta à l'eau. 3. La question était saugrenue. 4. Mais le plus fort, c'est que tu auras passé tout ton jeudi à flâner et à paresser. 5. Un homme pourtant moins bien noté que moi. 6. Toi, tu te prélasses. 7. Lucien opina d'un hochement de tête, mais son visage était réticent. 8. Il considéra le proverbe d'un air hostile et buté. 9. Il en lut... quelques passages... particulièrement édifiants. 10. Mainte­nant qu’il en avait assumé la responsabilité, il le voyait d'un autre œil. 11. Il n'en mène pas large. 12. Tu es dans la lune ?

2. Qu'est-ce qui caractérisé le verbe entreprendre dans ces deux phrases:
II y avait plaisir à entreprendre ce gamin-là.
Quand on entreprend un travail, le tout est d'abord d'y bien réfléchir.

3. Quelle est la particularité stylistique du verbe rafler dans la phrase: «Un fils qui rafle tous les prix » ? Quel est le sens propre de ce verbe ?

4. Expliquez la différence qui existe entre les verbes noter  et annoter. Dites  en français:
відмітити чорним чорнилом, олівцем; він на хорошому рахунку.

5. Traduisez l’adjectif soutenu dans les groupements de mots suivants:
un rire soutenu; des efforts soutenus; un intérêt soutenu; un style soutenu.

6. Remplacez les points par les prépositions, s’il le faut:
1. Ayant appris dans l'après-midi qu'il était proposé ... les palmes académiques, il se réservait ... en informer ... les siens. 2. Il se disposait ... prendre la parole. 3. Lucien protesta ... un regard effrayé. 4. Il  se jeta  ... l’eau. 5. Il est toujours ... les premiers. 6. Lucien essaya ... méditer ... son proverbe. 7. Ému, le père fit le tour ... la table en traînant une chaise et vint ... s’asseoir ... côté de l'enfant. 8. Ces objets sont munis ... longs bras. 9. Lucien, pris ... une vague anxiété, osa ... lever la tête.

7. Trouvez dans le texte les équivalents français:
Дійсно, чому ви такий розсіяний? Це теж саме. Йому не по собі. Посперечаємось про те, про се. Я дивлюсь на це по-іншому. Я не поспішаю. Рибак рибака бачить здалека. Він завжди серед перших. Основне – необхідно добре подумати!

8. Expliquez en d’autres mots :
être en jeu; être dans la lune; se prélasser; mettre la main à la pâte; rester en dehors du sujet; dans le dessein de; c'est pareil; perdre la face devant qn; le tout est de.

9. Thème :                
1. Молода людина, чиє самолюбство образили, вирішила помститися своєму кривдникові. 2. Насупивши брови, він скоса поглянув на співрозмовника. 3. Ви будете супроводжувати делегацію французьких студентів як перекладач. 4. Студенти нашого інституту проявляють неослабну цікавість до комп’ютерного перекладу. 5.Зустріч італійського письменника зі студентами нашого інституту відбулася в теплій, дружній атмосфері. 6. Щодня на сторінках сучасної преси можна зустріти повідомлення про те, що злодії здійснили напад на магазин та викрали велику суму грошей. 7. Неприємно мати справу з людьми, які не мають власних переконань і у всьому погоджуються з іншими. 8. Очевидність цього факту беззаперечна. 9. Оскільки затриманий продовжував мовчати, його викликали до слідчого. 10. В поведінці незнайомця було щось підозріле, і хлопці насторожились. 11. Хлопчина хотів будь-якою ціною виграти час та прикидався, що нічого не знає. 12. Це було якесь зачароване коло, і як юнак не сушив собі голову, він не міг прийняти жодного рішення. 13. Хлопчик був одним із перших у класі й часто отримував нагороди. 14. Він примудрився потрапити на прем’єру в театр. 15. Він почувається ніяково, адже йому соромно за свою брехню. 16. Кожна із цих кімнат має окремий вихід. 17. Щоб завершити переклад у зазначений термін, ви повинні особисто взятися за справу. 18. Екзаменатор поклав йому двійку за незнання основних питань з предмету. 19.Життя цього письменника особливо повчальне для молоді. 20. Чому ви хочете перекласти на нього всю відповідальність за цю роботу?

Étude du texte

Pour faire le commentaire du texte, répondez aux questions:
Introduction
Que savez-vous sur la vie de M. Aymé et sur son œuvre ?
Résumez l’histoire de la nouvelle, présentez ses personnages.

Développement
A. Intérêt littéraire
Brossez le schéma narratif de la nouvelle (situation initiale, éléments modificateurs, péripéties, dénouement, situation finale). Segmentez le texte en séquence narratives. Quelles fonctions remplissent les descriptions ?Quelle est la tonalité de l’œuvre  ?

B. Intérêt psychologique

Comment se comporte  la famille devant le père ?
Par quels moyens lexicaux et stylistiques l’auteur brosse-t-il le portrait du père-tyran ?
Quels sentiments éprouve le fils envers son père ?
Comment est montrée la médiocrité de la personnalité du père?

C. Intérêt des idées

Quel genre de relations familiales l’auteur décrit-il dans cette nouvelle ? Quels aspects  de l’éducation des enfants le texte soumet-il à la satire ?
Bilan:
Quelle personnage-type l’auteur présente-t-il dans l’image du père de la nouvelle « Le Proverbe ».
Texte complémentaire

Jean de La Fontaine
LE LIÈVRE ET LA TORTUE
Rien ne sert de courir; il faut partir à point:
Le lièvre et la tortue en sont un témoignage.
«Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point
Sitôt que moi ce but. - Sitôt? Êtes-vous sage?
Repartit l'animal léger:
Ma commère, il vous faut purger (1)
Avec quatre grains d'ellébore. (2)
- Sage ou non, je parie encore."
Ainsi fut fait; et de tous deux
On mit près du but les enjeux:
Savoir quoi, ce n'est pas l'affaire,
Ni de quel juge l'on convint.
Notre lièvre n'avait que quatre pas à faire,
J'entends de ceux qu'il fait lorsque, prêt d'être atteint,
Il s'éloigne des chiens, les renvoie aux calendes, (3)
Et leur fait arpenter les landes.
Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,
Pour dormir et pour écouter
D'où vient le vent, il laisse la tortue
Aller son train de sénateur.
Elle part, elle s'évertue,
Elle se hâte avec lenteur.
Lui cependant méprise une telle victoire,
Tient la gageure à (4) peu de gloire,
Croit qu'il y a de son honneur
De partir tard. Il broute, il se repose,
Il s'amuse à toute autre chose
Qu'à la gageure. A la fin, quand il vit
Que l'autre touchait presque au bout de la carrière, (5)
Il partit comme un trait; mais les élans qu'il fit
Furent vains: la tortue arriva la première.
"Eh bien! lui cria-t-elle (6), avais-je pas raison?
De quoi vous sert votre vitesse?
Moi l'emporter! et que serait-ce
Si vous portiez une maison?" (7)

(1) Purger: ici, « se purger l'esprit ».
(2) Ellébore (ou hellébore): plante dont les graines avaient, disait-on, la propriété de guérir la folie.
(3) On dit souvent: « renvoyer aux calendes grecques ». Pourtant, les calendes désignaient le premier jour du mois chez les Romains et étaient inconnues des Grecs.
(4) а: comme valant.
(5) Carrière: dans les courses de char, ce mot désigne la piste.
(6) Elle crie, c'est-а-dire qu'elle est loin du lièvre...
 (7)... et elle ironise de surcroît.

Travail individuel:

Quelle est la morale de cette fable? Comment se rapporte-t-elle au contenu de la nouvelle « Le Proverbe »?

Version


Задача
Батьки приставили свої сапи до стіни й, штовхнувши двері, зупинилися на порозі кухні. Дельфіна й Марінетта сиділи поряд, спинами до них, схилившись над своїми зошитами-чернетками. Вони гризли кінчики ручок і гойдали ногами під столом.
Ну, то як? — запитали батьки. Розв'язали задачу?
Дівчатка зашарілися. Вийняли з рота ручки.
 Ще ні, — відповіла Дельфіна жалібно. — Вона така складна. Недарма ж учителька нас попереджала.
 Та відколи вона вам її задала, можна б уже давно з нею впоратись. А у вас завжди одне і теж. Як розважатися то ви найпрудкіші, а як щось робити — вас не докличешся. Ні, любі мої, досить уже! Тільки погляньте на цих здоровецьких десятилітніх дуреп. Не можуть розв'язати якусь задачу.
 Ми вже дві години над нею сидимо, — сказала Марінетта.
Ну, то сидіть і далі й кумекайте... І не здумайте байди­ки бити. Щоб до вечора обов'язково впорали задачку! Бо якщо ви її не розв'яжете... Тоді начувайтеся! Такого прочухана дамо, що вам і не снилося!
Сама лише думка, що задачу й сьогодні можуть не розв'язати, так розлютила батьків, що вони аж ускочили в кухню. Опинившись за спинами дівчаток, витягнувши шиї, вони заглянули їм через плече і аж заніміли від обурення. Дельфіна й Марінетта понамальовували у своїх зошитах-чернетках: одна — ляльку на цілу сторінку, друга — хатину в димарем, з якого підіймався дим, калюжу, в якій плавав качур, і довжелезну дорогу, в кінці якої їхав на велосипеді листоноша. Дівчатка злякано зіщулилися на своїх стільцях. А батьки залементували: це нечувано, і за що їм послано таких неслухів. Вони металися по кухні, здіймаючи руки і час від часу зупиняючись, щоб тупнути ногою по підлозі. І так розгаласувалися, що пес, який спав у ногах дівчаток, врешті виліз із-під столу й став перед батьками. Це була кошлата вівчарка, яку вони дуже любили, та Дельфіна й Марінетта любили її ще дужче.
— Заспокойтеся, батьки, ви не маєте рації, — мовив пес. — Лемент і тупання не допоможуть розв'язати задачу. А взагалі навіщо мучитися над нею, коли надворі так чу­дово? Краще б бідолашні дівчатка собі гралися.
— Еге ж! А коли їм виповниться по двадцять років і вони одружаться, то будуть такими дурепищами, що їхні чоловіки лише кепкуватимуть із них.
— Вони навчать своїх чоловіків грати в м'яча і в довгої лози. Чи не так, дівчатка?
— Авжеж! — вигукнули Дельфіна з Марінеттою.
— Цитьте! — гримнули батьки. — Ану до роботи! Як не соромно! Такі дівулі — і ніяк не розлущать задачки!
— Та чого ви так хвилюєтеся, — знову озвався пес, — якщо вони не можуть, значить не можуть. Я б, наприклад, просто облишив їх — та й годі.
— Замість того, щоб марнувати свій час на цю мазанину, то краще б... Але годі. Ще бракувало нам сперечатися з псом! Ходімо вже. А ви не смійте пустувати. Якщо не розв'яжете задачу до вечора — начувайтеся!
І батьки вийшли з кухні, взяли свої сапи й подалися на поле сапати картоплю.
Дельфіна й Марінетта плакали, схилившись над своїми зошитами. Пес став між їхніми стільцями і, поклавши передні лапи на стіл, облизував їхні щоки.
— Ця задача і справді важка? — спитав співчутливо.
— Аби ж то важка! — зітхнула Марінетта. — Здається, ніби й проста, але якась незрозуміла.
— Якби я знав, про що вона, то, може, щось і підказав би, — мовив пес.
Зараз я прочитаю тобі умову, — запропонувала Дельфіна. — «Громадський ліс має площу шістнадцять гектарів. Знаючи, що на одному арі росте три дуби, два буки й одна береза, підрахуйте, скільки дерев кожної породи росте в громадському лісі?

„Неймовірні оповідки кота,
що сидить на гілці”
(переклад Ганни Малець)

v outils
v leur tournaient le dos
v en face de
v suçaient
v porte-plume
v les petites
v avec une pauvre voix
v ---
v du moment que
v ce que vous pouvez le faire
v jamais en retard
v plus personne et pas plus de tête que mes sabots
v bêtes
v cherche
v vous chercherez encore




v s’avancèrent de trois pas à l’intérieur de
v tendirent le cou pardessus leurs têtes
v un pantin


v Recroquevillées ... n’en menaient pas large.
v arpentaient

v carreau


v berger briard








v à saute-mouton


v deux grandes sottes

v le mieux est d’en prendre son parti

v gribouillages
v on n’a pas de comptes à rendre à
v tant pis pour vous



v passa sa langue sur





v énoncé
v de la commune


Tiré du recueil de M. Aymé « Les contes du chat perché »

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